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sur le cœur contre vous, voilà ce qu’il faut que je vous dise. Pourquoi ne puis-je le garantir ? Parce que des symptômes manifestes me prouvent que vous êtes atteint de libéralisme.

« Le libéralisme est une maladie comme le durcissement de la moelle épinière[1]. On connaît les symptômes de cette dernière maladie : 1° le muscle placé en saillie convexe entre l’index et le pouce prend la forme concave sous une certaine pression ; 2° les purgations constipent ; 3° les astringens relâchent ; 4° les jambes paraissent devenir plus fortes, seulement elles ne peuvent plus marcher. Ajoutons que dans cet état le malade peut faire illusion aux autres et se faire illusion à soi-même pendant quelque temps.

« C’est ainsi que le libéralisme agit sur l’âme. Croire au témoignage de ses yeux, c’est le fait d’un insensé. Rapporter les faits à des causes parfaitement établies et connues depuis longtemps, c’est pure superstition. Ce mot, l’esprit du temps, devient l’apologie grandiose de maintes choses que Dieu ordonne expressément de considérer comme des crimes On croit loyalement favoriser le progrès, on se félicite d’y contribuer et tournant le dos au but, on court ventre à terre à l’abîme. Les plus odieuses manifestations de l’impiété sont glorifiées comme l’élan du genre humain vers la lumière. Ce qui est noir devient blanc, la nuit est appelée le jour, et les victimes de cette folie coupable et maudite sont presque mises au rang des dieux ; pour quelques-unes, l’apothéose est complète, car l’esprit du temps chez ces gens-là forçats, galériens, sodomites, a pris un magnifique essor vers les hauteurs. Mais en voila assez au sujet de l’impiété. En vous parlant de la maladie morale, j’ai été jusqu’aux symptômes extrêmes, comme je l’avais fait à propos de la maladie physique. Loin de moi la pensée, cher ami, que vous soyez assez gravement malade pour toucher déjà au dernier période. Cependant vous êtes atteint du mal, car le parti-pris de ne pas croire à la conspiration révolutionnaire est le premier symptôme, le symptôme le plus sûr de ce libéralisme qui dessèche l’âme. Vous en avez rendu vous-même un témoignage qui se tourne contre vous. Niebuhr est mort en abjurant et le libéralisme et son refus de croire aux conspirations révolutionnaires. Abjurez aussi vos erreurs, mais vivez, vivez pour moi vivez pour votre temps et pour l’église de Dieu. Seulement ne jouez pas avec la maladie ; il n’y a qu’un remède pour en guérir : le signe de la croix sur la poitrine et sur le front.

« Traduisez cela en langage évangélique, en langage éternellement vrai, vous trouverez le remède infaillible, et ce remède, Dieu merci ! vous l’avez en vous-même. Que le Seigneur Dieu vous bénisse !

« FREDERIC-GUILLAUME. »

  1. Il n’est peut-être pas inutile d’avertir le lecteur qu’ici, comme partout dans ce travail, notre traduction est aussi littérale que possible.