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les insurgés d’ingérence étrangère ; nous l’avons dit une fois, nous le dirons toujours. »

La Russie attentive surveillait de loin ces démarches. Les scrupules du prince de Metternich l’avaient longtemps gênée ; le zèle de George Canning et de ses agens lui plut fort. Il y avait alors à Saint-Pétersbourg deux envoyés extraordinaires chargés de complimenter, à l’occasion de son avènement, le nouveau tsar : lord Wellington et l’archiduc Ferdinand d’Esté. Le langage de l’empereur Nicolas rassurait pleinement ce dernier. Le successeur d’Alexandre était de l’avis de l’empereur Joseph II refusant en 1778 aux insurgens d’Amérique les sympathies du comte de Falkenstein[1]. Il pensait, lui aussi, « que le métier d’un roi est d’être royaliste. » — « Ne dites point les Grecs, avait-il fait observer un jour en interrompant brusquement son interlocuteur ; dites les sujets insurgés de la Sublime-Porte. Je ne protégerai pas plus leur révolte que le ne voudrais voir la Porte protéger une rébellion parmi ceux de mes sujets qui sont mahométans. » M. de Nesselrode en revanche témoignait à lord Wellington le plus vif intérêt pour la pacification des provinces rebelles. « Si l’Angleterre voulait se charger seule de la négociation, le cabinet russe l’appuierait de tous ses efforts. » Le résultat de ce double jeu ne se fit pas attendre. Le 17 mars 1826, la Russie présentait à la Porte un ultimatum où, se montrant avec affectation indifférente au sort futur des Grecs, elle ne mettait en avant que ses propres griefs ; le 4 avril, un protocole secret signé à Saint-Pétersbourg associait le cabinet russe de la façon la plus formelle et la plus intime aux projets de médiation de sa majesté britannique.

Justement mécontent de la manière dont cette transaction s’était opérée, le gouvernement du roi n’hésita pas cependant a déclarer « qu’il soutiendrait également de tout son pouvoir les démarches qu’allait faire à Constantinople l’Angleterre. » Ge que la France avait tenu surtout à éviter, c’était « l’adhésion de la Porte à des propositions qui ne partiraient que d’une seule puissance. » Le concours offert par la Russie, quoique la sommation ne dût se faire qu’au nom de la Grande-Bretagne, écartait toute idée d’ingérence exclusive. Nous étions donc libres d’obéir sans réserve à l’intérêt que nous inspirait la Grèce. Le roi de Prusse crut devoir adopter une autre politique. Il fit dépendre son concours de l’unanimité des puissances. C’était tacitement se ranger sous la bannière de la politique autrichienne, car il était aisé de prévoir qu’on ne réussirait jamais à concilier les

  1. On sait que ce fut sous ce pseudonyme que l’empereur Joseph II visita la France.