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Franchement tout cela ne valait pas le bruit qu’on en a fait ; mais d’un autre côté pourquoi provoquer ce bruit ? Quelle a été la pensée du gouvernement ? Quelle garantie de plus trouve-t-il dans la mesure qu’il a proposée, et qu’on s’est empressé de voter ? Sans nul doute, la question de la dissolution de l’assemblée reste entière ; on peut la discuter sérieusement, convenablement, poliment, comme on l’a dit. Ce n’est pas un crime de croire que le pays doit nécessairement être consulté dans un temps qui ne peut plus être trop éloigné, surtout après la libération définitive du territoire. Si c’est l’injure, l’outrage, la négation audacieuse et révolutionnaire des droits de l’assemblée qu’on veut atteindre, est-ce que le ministère n’est pas suffisamment armé sans avoir besoin de cet inoffensif et modeste droit d’autorisation de poursuite conféré à une commission de permanence ? Il a toutes les lois de police générale, il a toutes les prérogatives d’administration que les gouvernemens les plus divers se transmettent et qu’on n’abroge jamais, il a aujourd’hui l’état de siège à Paris, à Lyon, à Marseille et dans plus de trente départemens. Que lui faut-il de plus ? On n’est fondé à réclamer des armes nouvelles que lorsque celles qu’on a entre les mains sont impuissantes et inefficaces. Sans cela, on s’expose à soulever toute sorte de questions épineuses et délicates, dont la discussion ne conduit naturellement à rien comme c’est arrivé l’autre jour, on semble faire beaucoup plus qu’on ne fait réellement, on a l’air de manier le gouvernement avec une certaine inexpérience devant laquelle s’enhardissent les agitateurs. Ce qu’il y a de singulier, c’est que dans cette discussion, où M. le garde des sceaux Ernoul a prononcé de très convenables paroles, mais qu’on peut persister à croire inutile, des députés de la gauche, menacés d’une si manifeste tyrannie, se sont amusés à s’écrier : « Rendez-nous la liberté comme sous la restauration ! » Des députés de la droite se sont hâtés de répliquer avec une gaillarde vivacité : « Rendez-nous la restauration, rendez-nous le roi ! » Et un dernier d’ajouter : « Nous l’aurons ! » Ah ! oui, rendez-nous le roi ! c’est facile à mettre dans une interruption, et en définitive c’est beaucoup de bruit pour rien, pour qu’une simple commission de permanence puisse dire, si l’occasion se présente, à la justice : Rien ne s’oppose à ce que vous fassiez votre œuvre.

Assurément la restauration a eu dans son temps un éclat d’honneur et de talent qui fait qu’on ne peut pas être fâché de lui ressembler. Encore est-ce par les beaux côtés qu’il faudrait lui ressembler et non par ce l’a conduite à la catastrophe dans laquelle elle a disparu. Malheureusement aujourd’hui, comme à cette époque, il y a des influences qui peuvent être un embarras pour le gouvernement actuel, comme elles ont été un péril pour le gouvernement d’autrefois. Il est certain que depuis quelque temps il se manifeste un mouvement religieux d’une assez étrange nature, plus violent peut-être encore que sous la restauration, et qui tend de plus en plus à envahir la politique. Qu’on nous com-