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l’extrême nord, aux abords du cercle polaire comme sur les sommets des hautes montagnes, aucun arbre ne peut résister à l’intensité et à la permanence du froid. Dans le voisinage de la Sibérie, des deux côtés de l’Oural, il n’y a que des toundras, déserts marécageux où la mousse cache une terre presque perpétuellement durcie par la glace. À ces latitudes, point de culture possible, nul autre pâturage que le lichen, nul autre bétail que le renne, dont ces contrées boréales sont devenues la seule demeure. La chasse et la pêche sont les seules industries des rares habitans de ces landes de glace. Dans le nord de la Russie d’Europe, légèrement réchauffée par le voisinage de l’Atlantique et la profonde échancrure de la Mer-Blanche, les forêts commencent dès le 65e ou 66e degré de latitude, sous un ciel presque aussi défavorable à l’agriculture et à la vie humaine.

De la Mer-Blanche, au-dessus d’Archangel, ces forêts coupées de larges clairières s’étendent jusqu’au sud de Moscou et aux environs de Kief[1]. Le mélèze se montre le premier au nord, puis viennent le pin sylvestre et le bouleau, les deux arbres les plus communs de la Russie, dont plus de la moitié du territoire leur paraît abandonné. Avec le bouleau et le pin alterne souvent le sapin, auquel se mêlent l’aulne et le tremble ; plus au sud se montrent le tilleul, l’érable, l’orme, et enfin vers le centre apparaît le chêne. Il y a dans ces régions, surtout dans le nord-est, des forêts que jamais le pied de l’homme semble n’avoir foulées, d’immenses forêts vierges que le manque de voies de communication laisse abandonnées à elles-mêmes, mais des forêts clair-semées, diffuses, interrompues par dévastes landes où ne viennent que de maigres broussailles. Le sol de la plus grande partie de ces bois, dans le nord-ouest au moins, de la Mer-Blanche au Niémen et au Dnieper, est une plaine basse, marécageuse et tourbeuse, entrecoupée d’arides bancs de sable. Les plus hauts plateaux, les monts Valdaï, n’ont guère plus de 300 mètres d’altitude. Cette région est riche en eaux ; c’est le point de départ de tous les grands fleuves de la Russie, des principaux tributaires de ses quatre mers. Le peu de relief du sol y prive souvent les cours d’eau d’une ligne de partage nettement indiquée. Aucune crête ne sépare les bassins, et à la feinte des neiges les affluens des diverses mers se confondent parfois en énormes marais. Sur ce sol à peine incliné, les fleuves ont un cours lent, indécis ; les eaux, incertaines de la pente, se perdent en marécages sans fin, ou se rassemblent en lacs sans nombre,

  1. La proportion des bois, croissant en général de l’occident en orient, varie de 35 à 75 pour 100 de la superficie totale. Statistitcheski Vréménik.