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collines artificielles appelées kourganes, innombrables tertres arrondis, de 6 à 12 ou 15 mètres de haut, qui parfois semblent disposés sur une ligne régulière comme pour marquer un chemin à travers ces solitudes, — tombes de peuples éteints ou phares de routes perdues, du sommet desquels le berger des steppes surveille au loin son troupeau. Dans ces plaines, point de montagnes, point de vallées, car les fleuves qui descendent du nord n’en forment vraiment pas. Suivant les contours des plateaux qu’ils rencontrent sur leur passage, ils coulent le plus souvent au pied d’une sorte de falaise ; mais ces falaises, que le Dnieper, le Don, le Volga, laissent. d’ordinaire sur leur rive droite, ne sont que l’escarpement d’un étage supérieur, aussi uni, aussi plat à son sommet que les plaines basses de l’autre bord, sur lesquelles les eaux s’étendent au printemps à perte de vue. Les rivières et les petits cours d’eau qui naissent de la fonte des neiges creusent le sol sans y former plus de vallées que les grands fleuves. Ils roulent d’ordinaire au fond de fissures profondes, à pentes abruptes, véritables, ravins qu’on n’aperçoit que lorsqu’on est arrivé au bord, et au fond desquels les villages comme les arbres cherchent souvent un abri contre les vents de la plaine.

L’absence d’arbres est le caractère distinctif de toute cette zone. Dans sa partie septentrionale, là où elle confine à celle des forêts, le déboisement est sans aucun doute le fait de la main de l’homme ; parfois même il est récent, ou, pour mieux dire, contemporain. Plus au sud, dans les steppes proprement dites, la chose est moins certaine ; s’il n’est l’œuvre de la nature, le déboisement est celle des plus anciennes migrations. ; Aujourd’hui, par la faute du sol ou du climat, dans la plus grande partie de ces immenses régions des steppes, on ne rencontre presque aucun vestige de végétation arborescente. La faute en est surtout au manque d’eau et au manque d’abri. Les seuls arbres qui viennent spontanément se réfugient au fond des ravins qui servent de lit aux ruisseaux. La plaine est souvent recouverte d’une terre fertile, mais peut-être trop meuble, en tout cas trop exposée à tous les souffles de l’air, pour que les arbres y prennent racine, et le sous-sol, généralement crayeux, est peu favorable à la végétation forestière. Ailleurs c’est un fond pierreux ou imprégné de substances salines, partout c’est la sécheresse qui fait obstacle à la croissance des bois. Cette région traversée, par les plus grands fleuves de l’Europe souffre du manque d’eau ; le ciel est avare de pluies et le sol de sources. Ce mal augmente du nord au sud, et de l’ouest à l’est. Souvent rares et toujours irrégulières, au moins pour la quantité, de façon qu’à des années humides succèdent des années de sécheresse, les pluies ne