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s’entendre avec la Prusse ? M. de Gagern, président de l’assemblée de Francfort, étant allé au mois de novembre à Berlin pour supplier le roi d’accepter la couronne que le parlement se disposait à lui offrir, le roi lui donna clairement à entendre que les princes seuls avaient le droit de le nommer. Sans croire que les princes seuls eussent ce droit, M. de Bunsen n’eût pas mieux demandé que de voir l’unité allemande établie par l’offre patriotique des princes. Qu’arrivera-t-il pourtant, si les princes s’y refusent ? Faudra-t-il que l’Allemagne entière soit sacrifiée aux intérêts de quelques familles ? Non certes, rien n’arrêtera le mouvement national. Si les princes ne veulent pas faire leur sacrifice, si la Prusse n’est pas placée d’une manière ou d’une autre à la tête de l’unité germanique, la révolution se chargera d’opérer la transformation du pays. Voilà ce que M. de Bunsen ose écrire à Frédéric-Guillaume IV ; nous traduisons sa lettre tout entière, elle est datée du 6 décembre 1848.


« Si je suis bien informé, votre majesté s’est placée vis-à-vis de M. de Gagern sur le seul terrain légitime : rien sans les princes ! C’est ce que votre majesté me disait en me traçant un programme devenu prophétique le matin du jour où nous nous sommes séparés à Brühl.

« Voilà une réparation royale et chrétienne pour toutes les inconvenances subies le 21 mars ! Le parlement, dans la personne de son noble chef (méconnu à Berlin malheureusement, et suspect à M. de Camphausen lui-même), vient vous offrir la couronne impériale, — et les princes ne resteront pas en retard ! Stockmar me dit que le prince Albert et son frère, le duc de Cobourg, et son cousin le prince de Linange, ne sont pas les seuls à accueillir cette idée ; le roi de Wurtemberg aussi se déclare, il vous a envoyé Hugel pour vous montrer une lettre autographe écrite dans ce sens, avec une insinuation à la manière souabe pour indiquer son désir d’être nommé commandant supérieur des armées de l’empire en récompense de sa bonne volonté. Tous ensemble, il y a quelques semaines, ils ont remis à M. de Gagern une déclaration ainsi conçue : « l’unité allemande ne peut se faire qu’à la condition que le roi de Prusse marche à sa tête ; les princes allemands auront dans sa personne une garantie dont ils ne sauraient se passer et qu’ils ne trouveraient pas ailleurs. »

« Si la Bavière, à laquelle le Hanovre semble vouloir se joindre, prétend y faire opposition, alors c’est le second acte de la révolution allemande qui commence : l’Allemagne y succombera pour longtemps ; mais les princes y succomberont aussi, rien n’est plus sûr, car la nation est bien résolue à ne plus se laisser trahir et vendre par eux. Il ne faut pas donc que les princes aient trop la prétention de se prévaloir du terrain du droit, car, s’ils le font, la nation les ramènera en 1806 et leur dira :