Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/807

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Voici pour nous le terrain du droit. L’Autriche a mis la couronne de l’empire aux pieds de Napoléon. Napoléon a été vaincu. Notre droit, non pas un droit d’hier, un droit de mille années, exigeait et exige encore la reconstitution de l’empire. C’est ce que voulait la Prusse en 1815 ; mais l’Autriche refusa de ressaisir la couronne impériale, la Bavière et le Wurtemberg refusèrent de renoncer à ce don de pleine souveraineté, de pleine existence à part, qu’ils avaient reçu des mains de Napoléon. Napoléon revint de l’île d’Elbe. Alors en toute hâte on construisit une hutte pour abriter l’Allemagne pendant l’orage, misérable abri que les princes eux-mêmes ont considéré comme détruit le 26 juin 1848. Puis la révolution est venue ; la nation a eu ses représentans, et ceux-ci ont adressé à l’Autriche une question qu’il était impossible d’écarter. L’Autriche a répondu qu’elle ne peut ni ne veut faire partie de l’union restreinte[1]. Nous donc aujourd’hui, nous voulons placer la Prusse à la tête d’une confédération puissante. Le roi acceptera la couronne, si les princes y consentent. S’ils n’y consentent pas, eh bien ! il ne nous restera plus qu’une ressource : l’agitation. Et alors bonsoir le palatinat du Rhin ! bonsoir, Anspach et Bayreuth ! tous suivront la bannière allemande, et il n’y aura plus de Bavière. »

« Votre majesté trouvera ce langage bien révolutionnaire ; qu’importe ? D’abord nous sommes en pleine révolution, et il serait aussi funeste de méconnaître le fait de cette révolution que d’en reconnaître le principe ; ensuite la conduite tenue en 1805 et en 1815 a été une violation du droit par les princes aussi grande que l’a été en 1848 la violation du droit par le peuple, si toutefois l’idée de l’empire d’Allemagne est fortement maintenue.

« Mais j’ai le ferme espoir que les choses tourneront mieux. Ces quatre voix sont très importantes. Le roi Maximilien a l’esprit allemand. Il verra, ainsi que le roi Ernest-Auguste, que la seule voie à suivre est de prendre votre majesté pour arbitre sur les points de la constitution impériale où ils peuvent se sentir lésés, quand cette constitution sera l’objet d’un premier vote au parlement de Francfort. »


Jamais, — c’est une remarque très juste de M. de Ranke, — jamais Bunsen n’avait tenu un si hardi langage. On sait combien il détestait la révolution. Là-dessus il pensait exactement comme Frédéric-Guillaume. Cette haine avait été le premier ciment de leur amitié. Voici pourtant un point où cette préoccupation l’abandonne. Si l’unité allemande est empêchée par l’opposition des princes, malheur aux princes ! Les trônes sont fragiles, les dynasties sont

  1. L’union restreinte, c’est-à-dire l’union exclusivement germanique, dont ne pourraient faire partie les possessions non allemandes de la monarchie autrichienne.