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cause de l’unité allemande, parce que le représentant provisoire de cette cause était un archiduc autrichien ; on ne voulait pas que les drapeaux de l’armée prussienne s’inclinassent devant un Habsbourg. Maintenant l’Autriche s’opposant à la constitution de Francfort, les mêmes hommes la soutenaient, et, n’ayant plus à craindre que l’Allemagne absorbât la Prusse, ils ordonnaient à la Prusse de dominer l’Allemagne. Tels étaient les sentimens du parti national ; quant au parti révolutionnaire, à Berlin comme à Francfort, il exploitait les passions patriotiques des partisans de l’unité.

Frédéric-Guillaume IV n’avait plus qu’un parti à prendre, c’était de mettre ses paroles et ses actes au niveau de ses principes. Il le fit résolument. Quelques jours après le vote dont nous venons de parler, l’audace de la gauche croissant d’heure en heure, il prononça la dissolution de la seconde chambre et prorogea la première (27 avril 1849). En même temps il faisait savoir à tous les gouvernemens de l’Allemagne qu’il ne pouvait ni reconnaître la constitution de Francfort, ni accepter la couronne impériale ; la cause de l’unité germanique était-elle donc abandonnée ? Non, Frédéric-Guillaume invitait les princes allemands à se réunir en congrès et à refaire l’œuvre de Francfort.

Ce fut le signal d’une effroyable agitation par toute l’Allemagne. L’émeute de Stuttgart, l’insurrection de Dresde, la décomposition du parlement de Francfort, la gauche s’obstinant à siéger dans une chambre qui déclare sa mission terminée, la dictature de quelques furieux essayant de se substituer au vicaire de l’empire, telles furent les conséquences immédiates des événemens de Berlin. Il n’y avait de place désormais que pour les mouvemens révolutionnaires et pour les coups d’état. Dans toutes les grandes villes, les assemblées nationales avaient succombé. Ce n’était point seulement la déroute de l’unité germanique, c’était la déroute du parti constitutionnel d’un bout de l’Allemagne à l’autre. Qu’on se représente la douleur de M. de Bunsen. Il était retourné à Londres au mois de février, et, pendant ces deux mois où l’unité allemande était comme suspendue entre l’être et le néant, il n’avait cessé d’écrire à Frédéric-Guillaume pour le presser d’accepter l’empire. Après le refus du roi, quand tout l’édifice de Francfort s’écroula, M. de Bunsen dut adresser à son maître de bien amères paroles, puisque Frédéric-Guillaume lui répondait en ces termes :


« J’en suis venu à cette triste conviction que je ne pourrai plus m’entendre avec mon ancien ami ? Nous habitons deux mondes différens… Vous êtes dominé par les impressions de la révolution de 1848. Vous avez donné un noble nom à l’abominable bâtard du diable et de la race