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qui ôte sa lourde pelisse et la jette sur lui. Avant qu’il n’ait pu se dégager, elle est à ses genoux, l’entourant de ses bras, le couvrant de baisers. ― Que faites-vous, au nom du ciel ! s’écrie-t-il avec effroi. A quel danger vous exposez-vous de gaieté de cœur ? Levez-vous, Olga, vous ne pouvez rester ici.

― Je ne bougerai pas, murmura-t-elle. Je ne crains rien, je suis avec toi. ― Elle l’étreignit avec plus de force et posa la tête sur ses genoux comme un enfant rétif.

― Olga, ma chère Olga, je tremble pour toi, dit Vladimir d’un ton suppliant. Je t’en conjure, va-t’en d’ici.

― Tu m’as abandonnée, répliqua-t elle ; mais moi, je ne t’abandonne pas. Je resterai jusqu’à la tombée de la nuit,... et je reviendrai tous les jours.

― Dieu t’en garde !

― Je viendrai, pour sûr, dit-elle avec résolution.

Il la regarda longuement comme pour pénétrer sa pensée. Il ne la comprenait plus. Était-ce là cette femme timide, craintive, irrésolue, qu’il avait connue ? Une pensée soudaine fit refluer son sang vers son cœur. ― As-tu décidé de mon sort ? demanda-t-il. Parle alors. - Olga ne bougeait pas. ― Parle, je t’en supplie ! Elle sentit que ses genoux tremblaient.

― Je n’ai pas la force de choisir entre mes enfants et toi, répondit-elle sans lever les yeux. Ne me fais pas souffrir. Rends-moi amour pour amour, et cesse de me questionner.

― Il le faut pourtant, Olga, ma bien-aimée ; réponds-moi, reprit-il avec angoisse.

― Je ne veux pas répondre.

― Il s’agit de ton bonheur, de ta paix, de ta vie peut-être.

― C’est de toi qu’il s’agit, de ton égoïsme, de tes implacables principes ! Tu ne peux donc rien sacrifier alors que moi je te donne tout ?

Vladimir se leva ; la pelisse d’Olga glissa par terre. Celle-ci, debout, appuyée sur le dossier du fauteuil, le suivait des yeux pendant qu’il se promenait par la chambre dans une poignante émotion.

― Je suis venue ici, reprit-elle, pour te montrer que je me sens capable de te sacrifier tout, mon honneur, ma famille, moi-même. Maintenant chasse-moi si tu l’oses.

― Je ne te chasse pas, balbutia-t-il.

― Alors, que demandes-tu donc ? dit-elle en se rapprochant de lui. Puisque je t’appartiens...

― N’es-tu pas la femme d’un autre ? repartit durement Vladimir, et dans ses yeux brilla un éclair de cette raillerie froide qui l’avait