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l’assemblée d’être en nombre. La résolution dont il s’agit était ainsi formulée : « si un mandat de député au Reichsrath vient à expirer par une raison légale quelconque pendant la durée d’une session, il est loisible à l’empereur de prescrire de nouvelles élections directes dans les circonscriptions, villes et corporations jouissant du droit d’élire les députés aux diètes, le tout conformément à la loi relative aux élections directes. » Ce fut là le germe de la dernière réforme électorale, dont la clause principale établit le principe du suffrage direct des populations.

Dès qu’il fut présenté par le ministère, ce projet devint la principale préoccupation politique dans le groupe cisleithan. Il stipulait que les populations elles-mêmes désigneraient désormais les députés au Reichsrath mais que le système de votation resterait le même. On continuerait à voter par curies et par catégories ; chaque province conserverait son règlement particulier pour les élections. Le corps électoral comprendrait toujours quatre collèges. Le nombre des députés serait élevé de 203 à 353. Quatre-vingt-cinq sièges au lieu de cinquante-huit seraient attribués à la grande propriété. Une innovation importante consistait à établir que tout Autrichien cisleithan inscrit sur les listes électorales de l’une des dix-sept provinces y serait éligible pour chacune d’elles.

Les centralistes applaudirent avec enthousiasme le projet ; suivant eux, il devait avoir pour résultat d’introduire en Cisleithanie les habitudes de la solidarité politique et de créer un indigénat capable de constituer une véritable patrie autrichienne. Les fédéralistes n’étaient pas du même avis. Ils auraient accepté, disaient-ils, une réforme électorale établie sur des bases larges et uniformes, qui leur eût permis de tirer parti de la majorité numérique des races non allemandes ; mais du moment où l’élément germanique continuait à se préparer une majorité factice et arbitraire, le principe fédératif devait recevoir par la loi nouvelle une atteinte peut-être irréparable. Enlever aux diètes provinciales le privilège de désigner les députés au Reichsrath, disaient-ils, n’est-ce pas diminuer de moitié leur influence morale et leur ôter le caractère qui en faisait la sauvegarde la plus efficace des diverses nationalités ? Telle est la double thèse que les deux partis rivaux devaient soutenir avec une grande vivacité. Ce ne fut pas à Vienne que la lutte prit le caractère le plus ardent ; ce fut en Bohême et en Galicie que le projet de réforme produisit l’émotion la plus profonde. Pour le faire comprendre, il nous suffira de rappeler brièvement les prétentions de ces deux provinces.

Lorsque le compromis austro-hongrois fut conclu en 1867, la Bohême ne critiqua pas les concessions qui venaient d’être faites aux Magyars ; mais elle s’empressa de réclamer pour elle-même des privilèges analogues. Plaçant la question sur le terrain de l’histoire, elle exhuma de