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comte de Chambord, c’est de lui montrer les deux chemins qu’il a devant lui, l’un où il peut trouver la France, l’autre où il ne trouvera qu’une poignée de vieux enfans et de sectaires.

On ne voit pas qu’en répandant de telles idées sur la monarchie on la rend impossible moralement, et on ajoute aux difficultés d’exécution qui restent le dernier écueil à franchir. Ce n’est pas tout en effet de dire qu’on va proposer la restauration de la monarchie. Par quel procédé arrivera-t-on à réaliser la transition ? Déjà les esprits semblent fort en mouvement à Versailles. On n’a parlé de rien moins que de hâter la réunion de l’assemblée. Il y a nécessairement un vote à enlever ; mais un vote, c’est un risque sérieux dans une assemblée où le gouvernement actuel ne s’est formé qu’avec un appoint de 14 voix. La chambre, telle qu’elle est, compte une minorité assez considérable plus ou moins ralliée à la république. Est-on sûr d’une majorité ? Par la façon étrange dont on représente cette monarchie nouvelle qu’on veut rétablir, on ne prend pas peut-être le moyen de grossir cette majorité. Et si on échoue, que peut-il arriver ? On y a réfléchi sans doute. C’est l’idée monarchique elle-même compromise pour longtemps, et dans tous les cas, c’est la fin inévitable, immédiate de l’assemblée qui aurait tenté ce grand coup sans réussir. Cela vaut la peine d’y songer au nom de la France, dont les destinées sont toujours en jeu dans ces redoutables parties.

Un des plus graves dangers est de laisser entrevoir que la politique peut prendre une couleur religieuse, soit sous une monarchie restaurée, soit même sous un régime qui serait simplement conservateur sans porter le nom de monarchie. On court ainsi, on le sent bien, aux plus redoutables complications. On s’engage dans une voie qui ne peut conduire qu’à des crises extérieures ou intérieures d’une incalculable portée, à de véritables folies si on veut agir, à un aveu d’impuissance si on ne fait rien, à une diplomatie inquiète, aigrie, toujours agitée d’une mauvaise humeur stérile, et après tout indigne d’un pays comme la France, qui ne doit parler que de ce qu’il peut accomplir. Allons droit au fait, au point vif et décisif. Le vrai péril est d’agiter sans cesse tous ces programmes où l’on fait entrer une hostilité acerbe contre l’Italie, des projets de restauration du pouvoir temporel du pape. Qu’on se rappelle un instant que nous ne sommes pas en 1815, qu’il n’y a plus de sainte-alliance conservatrice et religieuse, que la France serait seule dans ces croisades rêvées par quelques esprits chimériques et exaltés, qu’elle n’aurait pas des alliés sympathiques, bien qu’inutiles, comme elle en eut en 1823 pour la guerre d’Espagne, qu’elle aurait sans doute au contraire plus d’un ennemi. En présence d’une telle situation, on ne ferait rien, c’est infiniment vraisemblable ; ceux-là même qui sont le plus absolument dominés par l’ardeur de leur foi religieuse reculeraient, s’ils étaient au pouvoir, devant les événemens qu’ils s’exposeraient à provoquer. On s’en tiendrait tout simplement le lende-