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moins révolutionnaire. » C’est là sûrement un programme auquel la politique la plus conservatrice peut souscrire pour le bien de la France aussi bien que de l’Italie.

Le dernier parlement européen resté ouvert après tous les autres, le parlement de Londres, vient de se clore à son tour, et cette session, qui s’achève après s’être traînée péniblement, finit en laissant la politique de l’Angleterre dans une certaine atonie, dans un certain désarroi. La fatigue et le désordre se font sentir un peu de tous les côtés, dans le gouvernement comme dans les partis. La chambre des communes va se reposer sans avoir rien fait. Le ministère est occupé depuis quelques jours à se réorganiser ou à se disloquer. Le banquet du lord-maire, qui couronne ordinairement chaque saison politique, ce banquet a été cette fois assez terne, comme la situation. Ni M. Gladstone, ni lord Granville, n’ont paru au festin. Le représentant du cabinet, le lord-chancelier, pour répondre au toast traditionnel par la récapitulation obligée des derniers événemens et des plus récentes œuvres parlementaires, n’a eu d’autre ressource que de parler du traité avec le sultan de Zanzibar, des négociations avec la Chine et du voyage du shah de Perse. Du rôle de l’Angleterre dans le monde, de la politique du ministère, des réformes réalisées ou préparées, on n’a pas dit un mot, on n’avait rien à dire au terme d’une session qui ne s’est distinguée que par son insignifiance et sa stérilité, pendant laquelle on a paru beaucoup plus occupé d’éviter les questions de quelque importance que de les rechercher. La chambre des communes se ressent peut-être de son âge respectable ; elle compte déjà cinq ans d’existence, elle touche à une dissolution prochaine et inévitable. Elle a expédié modestement les affaires, voilà tout. Ce qu’elle a fait de plus marquant a été un bill qui transfère à une cour suprême indépendante la juridiction d’appel attribuée jusqu’ici à la chambre des lords : c’est le judicature bill. Pour le reste, elle a passé son temps à discuter des motions sur le vote des femmes, sur le mariage des veufs avec leurs belles-sœurs, sur l’extension du suffrage dans les comtés, sur la séparation de l’église et de l’état, et, avant de s’en aller en vacances, elle a été réveillée un instant par la question de l’apanage attribué au prince Alfred à l’occasion de son prochain mariage avec la grande-duchesse Marie de Russie. Le ministère proposait d’élever la dotation annuelle du prince Alfred de 15,000 à 25,000 livres sterling. Le républicain sir Charles Dilke a fait des façons, et dans les communes de la « loyale » Angleterre il s’est trouvé une vingtaine de membres qui, sans être républicains, ont persisté jusqu’au bout à refuser de grossir l’apanage du fils de la reine Victoria. Ce n’était qu’une petite minorité dont l’unique succès a été d’impatienter M. Gladstone, qui s’est cru obligé d’intervenir pour mettre fin à des discussions qu’il a même appelées « indécentes. » Le symptôme n’est pas moins curieux dans un pays comme l’Angleterre.