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tionnaires se répandre en certains momens d’un pays à l’autre. Les insurgés de l’Andalousie ont-ils agi d’eux-mêmes ? avaient-ils dans leur camp des auxiliaires étrangers ? Toujours est-il qu’ils ont suivi de point en point le programme des communeux parisiens : ils ont pris des otages, ils ont levé des contributions, ils ont appelé le pétrole à leur recours, et en se retirant ils ont brûlé les maisons, les monumens. Ils ont tenu, selon la tradition de la démagogie nouvelle, à illustrer leur défaite par le feu et le sang ! Maintenant le dernier foyer de l’insurrection est à Carthagène ; mais ici en vérité la lutte se complique d’un incident singulier, d’une intervention des marines étrangères.

Tout est bizarre dans cette anarchie espagnole. Les insurgés avaient réussi à s’emparer de quelques navires de l’état dont ils espéraient bien se servir. Ils avaient compté sans le capitaine Werner, commandant de la frégate allemande le Frédéric-Charles, qui commençait par arrêter en mer un de ces navires sous prétexte qu’il était sans pavillon, sans papiers réguliers. Il y avait encore à Carthagène deux autres frégates espagnoles, la Vittoria et l’Almansa. Le chef de l’insurrection, le général Contreras, partait à son tour avec ces deux bâtimens, croyant être plus heureux et se proposant ni plus ni moins d’aller lever des contributions sur la côte, de rançonner, fût-ce par voie de bombardement, les villes du littoral. Déjà Almeria avait essuyé le feu de cet écumeur de mer, Malaga était menacée. Cette fois les commandans de la marine allemande et de la marine anglaise s’entendaient pour faire la police. Ils mandaient Contreras à leur bord, ils le retenaient provisoirement, et ils ramenaient sous bonne escorte l’Almansa et la Vittoria à Carthagène, avec injonction de ne pas recommencer. Le commandant du bâtiment français en station dans ces parages semble avoir reçu pour instruction de se borner à protéger nos nationaux sans aller jusqu’à une coercition aussi active et aussi directe. Jusqu’à quel point en effet cette intervention des marines étrangères était-elle correcte et s’accordait-t-elle avec les lois de la neutralité que notre gouvernement paraît avoir surtout en vue d’observer ? On ne peut trop le dire ; de telles aventures prouvent simplement la confusion et l’impuissance où est tombée l’Espagne, réduite à voir faire la police de ses côtes par des navires allemands et anglais qui peuvent se croire légitimement autorisés à sauvegarder un intérêt général d’humanité en protégeant leurs nationaux. Il n’en est pas moins vrai que les insurgés se sont vus notablement déconcertés dans leurs plans d’expéditions maritimes et de déprédations ; ils se sont trouvés à peu près bloqués par mer, et aujourd’hui le gouvernement de Madrid, maître de Valence, de Séville, de Cadix, peut diriger les forces dont il dispose sur Carthagène, ce dernier repaire de l’insurrection fédéraliste et socialiste. Il réussira sans doute, il finira par réduire Carthagène comme il a réduit les autres villes. Contreras ira rejoindre un autre chef de la révolution qui était à Séville et qui a fui en Portugal ; mais sait-on dans quelles condi-