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intimes dont ses chats sont les héros, de récits de pique-niques avec ses jeunes amies, de recettes de ménage, de nomenclatures sans fin où s’enchevêtrent toutes les fleurs et tous les feuillages dans un inextricable fouillis.


TH. BENTZON.



Histoire de la révolution de 1848, par M. Henri Gradis, 2 vol. in-8o, Paris 1872 ; Michel Lévy.


L’auteur de ce livre est avant tout un esprit modéré : il regarde la monarchie constitutionnelle comme le gouvernement qui convient le mieux à la France ; cependant, tout en ne dissimulant pas ses préférences, il reste impartial pour tous. Le gouvernement de février, dit-il, fut un gouvernement d’honnêtes gens ; il n’eut jamais recours à la violence, et fit pour le maintien de la paix en Europe des efforts dont il lui faut savoir gré. L’éloge est certes très mérité pour quelques-uns des hommes de 48 ; mais les événemens n’ont que trop prouvé que ceux qui déchaînent les tempêtes sont impuissans à les calmer. L’histoire de la révolution de février n’est en réalité qu’une lutte de la modération contre la violence, du bon sens public contre les utopies politiques et sociales d’une minorité aussi ardente, aussi ambitieuse de s’emparer du pouvoir pour elle seule qu’elle était incapable de l’exercer. Quand on lit le récit calme et sévère de M. Gradis, qui laisse toujours parler les faits, on est frappé d’un étonnement douloureux en voyant l’ascendant que les rhéteurs et les sophistes prennent sur la foule par des phrases sonores et vides, combien il est facile de nous duper par des promesses irréalisables, et avec quelle effrayante uniformité se reproduisent les mêmes enthousiasmes irréfléchis, les mêmes fautes et les mêmes malheurs.

Placés entre deux partis extrêmes, l’un qui s’attache obstinément au passé, l’autre qui veut tout détruire et tout renouveler, nous avons traversé depuis tantôt un siècle toutes les formes de gouvernement, nous les avons épuisées toutes, et à chaque nouveau changement politique, tout en croyant faire table rase du passé, nous lui empruntons ses plus mauvaises traditions. La montagne de 1848 n’a été que la contrefaçon puérile de la montagne de 1793, comme les deux empires ont été la contrefaçon de la monarchie de Louis XIV, frelatée de fausse démocratie ; la politique, qui est une science exacte, basée sur l’observation des hommes et des faits, la conciliation des intérêts et le respect des droits de chacun, a été transformée, par certaines écoles et certains partis, en une sorte d’empirisme aveugle qui sacrifie tout aux théories préconçues. Ce sont là des vérités qui ressortent à chaque page du livre de M. Gradis. Dès les premiers jours de la révolution de février, la partie modérée du gouvernement provisoire est débordée par les