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la proposition nouvelle faite par le général Berthaut, vivement appuyée par le général Schmitz.

Ce n’était pas tout : cette résolution, en apparence arrêtée dès le 7 janvier, traînait encore bien des jours; elle ne devenait définitive que le 15, et même le 17, sous la pression de l’opinion de plus en plus excitée et de toutes les influences politiques liguées pour peser sur le gouverneur. La question une fois irrévocablement décidée enfin, M. Jules Favre demandait au général Trochu une exécution immédiate. M. Jules Favre avait sans doute de bonnes raisons; malheureusement il ne tenait pas compte des nécessités matérielles d’une grande action de guerre, du danger d’une précipitation qui pouvait avoir et qui avait en effet les plus graves conséquences. Le général Trochu, après une discussion des plus vives, finissait par consentir à fixer l’affaire au jeudi 19 janvier, c’est-à-dire au surlendemain, puisqu’on était dans la nuit du lundi au mardi, — et c’est ainsi que cette idée de la bataille de Buzenval se dégageait laborieusement d’un amas d’incertitudes et d’hésitations qui étaient déjà de triste augure. On avait eu de la peine à choisir le champ de bataille, on avait de la peine à fixer le jour de l’action.

Que le point désigné pour le suprême combat du siège, que Buzenval fût plus abordable que Châtillon, ce n’était pas douteux ; on pouvait du moins prendre pied sur le terrain. Les difficultés ne laissaient pas cependant d’être terriblement sérieuses, à peu près insurmontables. On allait se trouver en présence de ce massif montueux, boisé, devenu depuis trois mois une véritable forteresse allemande, hérissée d’ouvrages défensifs, de redoutes, de batteries, de maisons et de murs crénelés. C’était la partie la plus puissante de l’investissement. Les lignes allemandes développées de Saint-Cloud vers La Malmaison et Bougival formaient un réseau serré et impénétrable. Sur le front, Montretout, Garches, Buzenval, n’étaient, à vrai dire, que des avant-postes. Le centre de la défense ennemie était au-dessus de Garches, au plateau de La Bergerie, qui avait été transformée en une formidable redoute flanquée de toute sorte d’ouvrages s’étendant jusqu’à La Celle Saint-Cloud. Plus en arrière encore, une autre série de travaux servait de dernier appui.

Toutes ces lignes se combinaient de telle façon qu’on devait toujours fatalement arriver à un défilé, à ce que le général Ducrot appelait un « goulot de bouteille, » où le nombre ne pouvait rien, où il aurait fallu de vigoureuses et solides têtes de colonne pour forcer le passage. Le Ve corps prussien Kirchbach occupait ces positions avec ses deux divisions, la 9e appuyée au parc de Saint-Cloud, la 10e vers La Jonchère, La Malmaison; mais ici, comme partout, les Allemands, au premier signal d’alerte, pouvaient porter au secours du Ve corps