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tout vêtu de noir, monté sur un cheval noir. Il arriva en galopant jusqu’à la porte de la baba-yaga, et disparut comme s’il s’était enfoncé dans la terre. La nuit tomba, mais l’obscurité ne dura pas longtemps; les yeux des crânes se mirent à briller, et toute la clairière devint aussi lumineuse qu’en plein midi. Vasilissa frémit de terreur; cependant elle s’arrêta où elle se trouvait, ne sachant de quel côté s’enfuir. Bientôt elle entendit dans toute la forêt un bruit épouvantable. Les arbres craquaient, les feuilles sèches frémissaient; de la forêt sortit la baba-yaga; elle était assise dans un mortier; elle le faisait marcher avec un pilon, elle effaçait ses traces avec un balai; elle arriva jusqu’à la porte, flaira l’air tout autour d’elle et s’écria : — Huml hum! ça sent la chair russe. Qui est ici?

Vasilissa, horriblement effrayée, s’avança vers la sorcière, s’inclina profondément, et dit : — C’est moi, la mère; mes belles-sœurs m’ont envoyée pour vous demander de la lumière.

— Fort bien, dit la baba-yaga. Si tu veux venir avec moi un instant et faire un petit travail pour moi, je te donnerai de la lumière. Sinon, je te mangerai. — Elle se tourna alors vers la porte en criant : — Palissade solide, sépare-toi! large porte, ouvre-toi!

La porte s’ouvrit, et la baba-yaga entra en sifflant; Vasilissa la suivit, tout se referma. Quand elles furent entrées dans la salle, la baba-yaga s’étendit tout de son long et dit à Vasilissa : — Tire ce qui est dans le four, j’ai faim.

Vasilissa alluma une torche à l’un des crânes de la palissade, tira les mets du poêle, et les servit à la baba-yaga. Il y en avait au moins pour douze personnes. Puis elle sortit de la cave du kvas, de l’hydromel, de la bière et du vin. La sorcière but tout, mangea tout. Elle ne laissa à la jeune fille que des miettes, une croûte de pain, un morceau de cochon de lait.

La baba-yaga se coucha et dit : — Quand je sortirai demain matin, aie bien soin de nettoyer la cour, de balayer la maison, de cuire le dîner, de préparer le linge. Puis va au grenier, prends quatre sacs de blé et retires-en tous les grains étrangers. Que tout cela soit fait à temps, sinon je te mangerai.

Après avoir donné ces ordres, la baba-yaga se mit à ronfler. Vasilissa servit à sa poupée les restes du souper, fondit en larmes, et lui dit: — Maintenant, petite, mange et écoute ma prière. La baba-yaga m’a imposé une rude besogne, et elle me menace de me manger, si je ne fais pas tout. Viens à mon secours.

La poupée répondit : — Ne crains rien, belle Vasilissa. Soupe, dis tes prières, et va dormir. La nuit porte conseil.

Vasilissa s’éveilla de grand matin, mais la baba-yaga était déjà debout. La jeune fille regarda par la fenêtre. La lumière des yeux s’éteignait dans les crânes. Tout à coup apparut un cavalier blanc, et tout