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finnoise comme aussi habitées que celles des Gaules ou même de la Germanie à l’époque de l’invasion romaine. Le climat, le sol, le genre de vie de ces populations souvent encore nomades et sans cesse exposées à être détruites par de nouvelles invasions ou entraînées par el es, s’opposent à de pareilles vues. Le peu de résistance qu’elles offrent à l’invasion russe témoigne également de leur petit nombre. Il en est de même d’un phénomène moins remarqué, de la grande distance physique et morale que présentent entre elles les différentes tribus finnoises encore éparses sur le sol russe. Un tel intervalle doit être antérieur à la colonisation slave, et rappelle de loin l’extrême morcellement des tribus indigènes de l’Amérique du Nord et de l’Afrique centrale. La colonisation russe était facile au milieu de ces peuplades éparpillées, dont plus d’une lui a dû probablement sa concentration en groupes relativement compactes, et peut-être la russification des Finnois n’a-t-elle pris des proportions considérables que lorsque ces tribus, agglomérées par la pression des nouveaux arrivans, ont été de tous côtés serrées par eux.

Il ne faut pas oublier du reste que le mélange n’est pas la seule façon dont deux races mises en présence réagissent l’une sur l’autre. Leur seul contact sur le même sol sans lutte à main armée suffit souvent pour déterminer la diminution de l’une au profit de l’autre. Ce phénomène, qui de nos jours s’est manifesté sur de telles proportions en Amérique et en Océanie devant les Européens, s’était produit jadis en Europe même lors de la disparition de ses populations primitives devant la race indo-européenne. N’est-il pas probable qu’en Russie le sang slave, c’est-à-dire le sang indo-européen, a eu sur le sang touranien les mêmes avantages que dans le reste de l’Europe? Quoique malheureusement on n’ait à ce sujet aucune donnée statistique, certains observateurs assurent qu’aujourd’hui même les populations finnoises tendent à diminuer partout où elles se trouvent en contact direct avec la population russe ordinaire, et cela indépendamment des mariages, qui sont généralement rares entre Finnois et Russes, indépendamment de tout mélange, par le seul fait du voisinage des deux races. Cette loi si générale ne dut-elle pas avoir une application plus marquée lorsqu’au lieu de se trouver en face de Russes déjà croisés avec eux les Finnois se trouvaient vis-à-vis de Slaves plus purs? En dehors de toutes conjectures sur les conditions du mélange des deux races et sur les conséquences de la concurrence vitale entre elles, les traits du peuple russe témoignent déjà de sa filiation slave. L’œil, qui dans le visage du paysan grand-russien reconnaît clairement un alliage finnois ou tatar, sent aussi vivement que le tout n’est ni finnois ni tatar; la preuve en est qu’en général le Grand-Russe se distingue à première vue du Finnois.