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gea de faire régner la décence et le bon ordre au sein de cette troupe abandonnée. Dans Athènes pas plus que dans Missolonghi, on n’avait voulu de bouches inutiles : les êtres trop faibles pour combattre étaient employés aux travaux de terrassement ; sur les remparts, ils portaient les munitions ou surveillaient les mouvemens de l’ennemi. La Minerve aux yeux bleus, qui semble avoir été pendant cette première partie du siège l’inspiratrice et l’âme de la résistance, se montrait partout, la première à la peine, la première aussi au péril. C’est une justice que les diplomates autrichiens eux-mêmes lui ont rendue. Cette intéressante héroïne avait le courage sans avoir la férocité et l’insensibilité farouche de la Bobolina.

En apprenant qu’Athènes allait être assiégée, l’ambassadeur d’Angleterre s’était empressé d’intervenir en faveur des monumens dépouillés jadis par lord Elgin. En firman du grand-seigneur fut accordé à ses instances. Le lendemain du jour où ce firman lui avait été remis par le consul d’Autriche, M. Gropius, le séraskier lançait ses premières bombes et tirait ses premières salves sur la citadelle. De la colline du Musée, les projectiles atteignaient sans peine le Parthénon. Impuissans à déplacer les solides assises de marbre, ils en faisaient jaillir à chaque coup quelque éclat. Inutile sacrilège ! Reschid ne tarda pas à reconnaître que ce bombardement n’avancerait pas d’une heure la reddition de la place. Il cerna l’Acropole, et, cheminant sous terre, entreprit de miner sournoisement les remparts. Les Turcs ont de tout temps excellé dans ce genre d’attaque ; mais parmi les Grecs il se rencontra plus d’un de leurs élèves. Les assiégés contreminèrent avec succès les travaux des Osmanlis, éventèrent leurs fourneaux, firent crever les galeries qu’ils creusaient jusque dans le roc. Des assauts furent alors tentés par les Tosques d’abord, par les Guègues plus audacieux ensuite. Guègues et Tosques furent également repoussés. Reschid-Pacha en fut réduit à resserrer de son mieux le blocus et à prendre ses dispositions pour l’hiver.

III.

Le 12 octobre 1826, dans une reconnaissance de nuit. Gouras tomba frappé d’une balle. Sa veuve ranima les soldats consternés. Quelques jours plus tard, le 23 octobre, Kriezotis débarquait dans la baie de Phalère et se glissait avec A50 hommes jusqu’au pied des murs de l’Acropole. Karaïskaki, pendant ce temps, attirait l’attention de l’ennemi d’un autre côté. Renforcée par la troupe de Kriezotis, la garnison d’Athènes avait retrouvé un chef ; la veuve de Gouras retrouva un fiancé. Le besoin de s’entendre pour la défense