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à l’emprunt, à toutes les caisses de la ligue; les patrons tinrent bon. Quand les 6,000 grévistes eurent épuisé leurs économies, ils reçurent de Berlin cette dépêche : « émigrez en masse! » Un millier d’entre eux obéirent et furent dirigés un peu au hasard vers des endroits où ils ne trouvèrent point d’ouvrage. Ceux qui restèrent durent céder. On les consola par une proclamation où il était dit que « les plus vaillantes armées succombent parfois sous le nombre, » et que « l’Allemagne entière les avait admirés. »

L’Association a le tort, plus grave encore, de mêler sans cesse la politique aux questions économiques et d’être le journal d’un parti, celui des progressistes, auquel appartiennent M. Hirsch et ses amis. Par là, ces réformateurs courent le risque de passer pour des ambitieux qui cachent sous les plus savantes théories une réclame électorale. M. Ludwig Bamberger, un des députés les plus distingués du parti national-libéral, ne leur ménage pas ce reproche dans le livre qu’il vient de publier sur la Question ouvrière. Certains faits, qu’il cite, semblent lui donner raison. Au plus fort de la grève de Waldenburg, on vit en effet les ouvriers réclamer comme une dette l’assistance des progressistes, et ceux-ci fournir plus de 26,000 thalers sur les 30,000 qui furent recueillis par souscription. Dans les derniers jours du conflit, les députés du parti intervinrent en faveur des grévistes, par voie d’interpellation, dans la seconde chambre de Prusse. En échange de tant de peines, ils attendent une récompense, qui est la sympathie des électeurs ouvriers : aussi l’Association ne perd-elle pas une occasion de désigner aux colères de ceux-ci les adversaires politiques de son rédacteur en chef. S’il arrive qu’un grand industriel qui refuse de céder à ses injonctions déraisonnables appartienne au parti national-libéral, elle en fait malicieusement la remarqué. Il s’en faut d’ailleurs qu’elle tienne là balance entre l’ouvrier et le patron : sévère jusqu’à la dureté pour celui-ci, elle a pour l’autre des ménagemens qu’on peut à bon droit suspecter. Si M. Bamberger, dans le jugement qu’il porte sur cette conduite, n’est point à son tour égaré par l’esprit de parti, il faut conclure que ces docteurs ès-sciences d’état ont grand tort de prétendre à l’originalité et de se donner, comme ils font, pour les révélateurs d’une science nouvelle, « l’économie éthique » (ethische Volkswirthschaft), car nous connaissons depuis longtemps en France cette sorte de philanthropes qui s’engagent à résoudre la question sociale en dix minutes quand ils seront députés et ministres. Quoi qu’il en soit, le journal donne un détestable exemple, dont peuvent s’autoriser tous les partis qui exploitent en Allemagne la question sociale. De quel droit reproche-t-il aux catholiques Une conduite qui ressemble à la sienne? Mgr de Mayence parle à peu près comme un socialiste de la chaire quand il impute la désorganisation de la