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aussi l’appel des sentences des grueries dès seigneurs, tribunal jugeant parfois souverainement, parfois en première instance avec appel au parlement, et, afin que tous les degrés de juridiction consacrés en matière de justice fussent observés, le maître des eaux et forêts recevait l’appel des sentences prononcées pour des délits par les officiers forestiers inférieurs, verdiers, gruyers, sergens, etc. Il y eut cependant des exceptions à cette hiérarchie administrative et judiciaire, en Normandie par exemple, où les vicomtes restèrent en possession, avec les baillis, du droit de connaître en première instance des délits relatifs aux eaux et forêts, car jamais sous l’ancienne monarchie on n’imposa à tout le royaume de complète uniformité. Certaines provinces, qui lors de leur réunion à la couronne avaient stipulé le maintien de leurs franchises et privilèges, gardaient sous divers rapports un régime particulier, plusieurs conservaient même une administration séparée. Au XVe siècle, la Normandie, la Guienne, la Bourgogne, la Provence et une partie du Dauphiné étaient administrées par un régime indépendant des rois de France.

Pas plus que le parlement, que la cour des aides, que la cour des monnaies, ces cours inférieures extraordinaires n’administraient dans le sens strict du mot ; mais là où elles n’étaient pas en possession d’une puissance exécutive réelle, elles surveillaient encore les agens de l’administration, auxquels elles traçaient la route à suivre, imposaient, par l’interprétation des règlemens, des règles à observer ; elles les réprimandaient, les punissaient quand ils abusaient de leur autorité ou négligeaient leurs devoirs, et elles tenaient ainsi en tutelle les branches de l’administration où elles n’intervenaient pas directement. Toutefois, comme je l’ai dit, la séparation alla se marquant davantage entre la justice proprement dite et l’administration pure, qu’on appelait au siècle dernier la juridiction économique ou volontaire. Les officiers qui maniaient les deniers et géraient les affaires formaient partout une catégorie à part de ceux qui étaient chargés du contrôle ou qui jugeaient le contentieux. Ainsi dès le XVe siècle, à côté du général des finances, institué pour surveiller la perception et la levée des impôts, il y avait un receveur-général chargé d’en centraliser le produit, un trésorier de France qui avait pour mission de prononcer sur le contentieux. Dans chaque élection, à côté des élus il y avait un receveur particulier. Au XVIe siècle, les trésoriers de France, confondus avec les généraux des finances, n’eurent plus la perception des revenus du domaine ; l’ordonnance de janvier 1551 exigea que les fonds fussent versés entre les mains des receveurs-généraux ; les trésoriers se bornèrent à exercer la juridiction dont il vient d’être question et dans laquelle lei. pouvoir judiciaire se mêlait encore à l’action administrative. Toutefois le