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exprimât nettement la divinité, et craignant que leur Christ ne fût confondu avec les disciples dont ils l’environnaient, l’ont tous distingué par un signe très apparent, et ils ont fait de lui ce que l’antiquité païenne et l’antiquité chrétienne ont également nommé imago clypeata ; en un mot, il lui ont mis le nimbe autour de la tête. Le nimbe a eu toute sorte de formes ; il a été, — il est encore, — crucifère, triangulaire, circulaire, rayonnant, filiforme ; il a représenté la lune, le croissant, le soleil, mais il est toujours lumineux, flotte au-dessus du front, et se distingue en cela de l’auréole, qui revêt le corps tout entier. Il remplace ces inscriptions naïves, qui, s’élançant en banderoles de la bouche des personnages, énonçaient leur nom ; le nimbe dit : Celui-ci est Dieu. Les mystiques y ont vu « le bouclier de la volonté divine, » qui protège les saints ; les artistes n’ont point cherché d’explications symboliques, ils ont trouvé là un moyen à la fois simple et facile de déterminer sans ambage la qualité d’une de leurs figures, et ils en ont profité pour obtenir parfois des effets de coloration très remarquables. Chez les nations encore plus iconolâtres que les catholiques, chez les Grecs par exemple, le nimbe est indépendant de la peinture ; il est en orfèvrerie, — or, argent, vermeil, pierres précieuses, — on le cloua, comme une coiffure parasite, sur le front des images, et l’on produit ainsi une impression qui n’est pas sans grandeur ; il suffit d’avoir vu l’iconostase d’une église du rite orthodoxe pour s’en convaincre.

En définitive, qu’est-ce que c’était que le nimbe dans l’origine ? Fort probablement le bandeau d’or qui fixait le voile sur le front des femmes, et, par extension, la nuée lumineuse qui s’agite au-dessus de la tête des déesses. Avec le substantif nimbus, on fit même un adjectif :

Quam magis aspecto, tam magis est nimbata,


a dit Plante dans le Pœnulus ; — plus je la vois, plus je la trouve belle. — Plus tard, le nimbe est ce disque en métal que l’on plaçait, comme une petite ombrelle, au-dessus du chef des statues exposées en plein air pour les garantir de la pluie. C’est de là que cet objet fort matériel, fort pratique, devint un emblème de divinité, que l’on attribua même, par excès d’adulation, aux effigies des empereurs : Trajan le porte sur le bas-relief de l’arc de Constantin, et Antonin le Pieux sur une de ses médailles. Comme tant d’autres choses, le christianisme le prit au paganisme et le spiritualisa en le réservant exclusivement aux trois personnes de la trinité, à la vierge Marie et aux saints. M. Bida n’a point répudié cette tradition, ou, pour mieux dire, cet usage, et partout son Christ est nimba. Sans élever aucune objection contre le parti adopté par l’artiste, on peut