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l’œuvre entière. En examinant celle-ci, en reconnaissant, malgré la diversité des mains, une sorte d’unité réelle, toujours élégante et toujours sérieuse, on pourra apprécier ce qu’il a fallu de zèle, de prévoyance attentive et de savoir pour parvenir à un tel résultat. Toute planche qui n’a pas été jugée irréprochable a été martelée et recommencée, car rien n’a été épargné pour serrer la perfection de plus près.

M. Edmond Hédouin ne se contenta pas de distribuer les dessins, de surveiller l’exécution, d’indiquer les modifications qu’il croyait utiles, il gravait lui-même, et quelques planches excellentes portent son nom. J’ai eu sous les yeux les dessins originaux de M. Bida, et j’ai pu les comparer aux gravures : c’est la ligne, c’est la lumière, c’est l’esprit, c’est la pensée. A voir côte à côte l’œuvre du peintre et celle du graveur on sent que celui-ci s’est tellement identifié, tellement confondu avec celui-là qu’ils ne font plus qu’un ; la main qui a tenu la pointe semble être celle qui a tenu le crayon. Ce travail a duré onze ans ; il prouve que la gravure à l’eau-forte mérite d’être très sérieusement encouragée, elle a des ressources singulièrement précieuses. Il n’est dessin si compliqué, effet de clarté si étrange, combinaison de couleurs si savante qu’elle ne puisse rendre jusqu’à l’illusion. — Jamais jusqu’à présent l’on n’avait fait un emploi si considérable et si judicieux de l’eau-forte en librairie ; les gravures sur bois, les gravures en taille-douce de dimensions restreintes, avaient suffi aux plus luxueuses publications. La tentative faite par la maison Hachette pouvait inspirer des doutes ; l’événement, en les dissipant, démontre que la pointe est le mode de gravure le mieux approprié à ce genre « d’illustration, » où le respect de l’art a été le constant et principal souci de tous ceux qui y ont concouru.

Le format anormal, — 58 centimètres sur 41, — adopté pour l’ouvrage, avait un inconvénient auquel il fallait remédier ; la dimension des pages était telle que le caractère, quelque important qu’il fût, devait paraître grêle malgré la double réglure rouge dont on les entourait. Il devenait dès lors nécessaire d’accompagner le texte par des ornemens qui eussent dans l’ordonnance générale du livre le rôle des lettres enluminées de nos anciens antiphonaires ; la gravure à l’eau-forte étant exclusivement consacrée à la reproduction des dessins de M. Bida, on eut recours à la gravure en taille-douce. Les titres, têtes de chapitre, lettrines et culs-de-lampe n’exigèrent pas moins de deux cent quatre-vingt-dix dessins, dont on confia l’exécution à M. Rossigneux. La tâche n’était point aisée ; les ressources offertes par la. figure humaine étaient interdites à l’artiste, qui ne devait sous aucun prétexte paraître faire concurrence