Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 107.djvu/700

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

c’est une tâche que le célèbre naturaliste genevois n’a pas encore essayé de remplir.

A côté de la géologie, dans le cadre de laquelle rentre l’étude des volcans, une science nouvelle a pris depuis quelques années une place considérable dans les préoccupations des savans et du public. Cette science excite encore plus la passion que l’intérêt et soulève plus de polémiques ardentes que de paisibles discussions. Elle a pour objet de reconstituer, à l’aide de quelques pierres taillées et de quelques ossemens tirés du sol, où ils gisaient depuis des milliers d’années, l’histoire naturelle et sociale de ceux de nos ancêtres qui vivaient avant les derniers bouleversemens du globe. A coup sûr, ces études, dont on désigne l’ensemble sous le nom d’anthropologie préhistorique, ont une importance qu’il serait puéril de nier, mais qu’on est arrivé dans ces derniers temps à exagérer beaucoup. Les promoteurs et les amateurs de ces recherches, purement historiques, et statistiques, ont cru qu’ils avaient découvert tout un monde inattendu de choses et d’idées, qu’ils allaient renouveler toutes les antiques conceptions sur l’humanité et même sur la nature. En fait, les connaissances que l’anthropologie préhistorique nous procure restent et resteront forcément incomplètes et incertaines, elles ne revêtiront jamais le caractère d’abstraction et de raison qui seul pourrait leur conférer le droit de prendre place dans la science. L’évolution de celle-ci, considérée comme systématisation des activités simples et des lois générales du monde, n’a rien à faire avec les explorations curieuses de l’anthropologie. Ces réflexions nous sont suggérées par une excursion que l’association a faite à Solutré, près Mâcon. Il s’agissait précisément d’aller examiner une station préhistorique. Solutré est un village situé au flanc des belles collines du Mâconnais, à 12 kilomètres environ de Mâcon. Plusieurs savans de Mâcon et quelques membres du conseil-général de Saône-et-Loire s’étaient chargés d’organiser l’excursion. Ces messieurs, après nous avoir reçus et offert un lunch à la gare, nous conduisirent en voiture au village de Solutré, pavoisé en notre honneur. Arrivés là nous mîmes pied à terre et nous prîmes la route des fouilles, guidés, par le maire, par M. Arcelin et M. l’abbé Ducrost. Ce sont ces deux derniers savans qui, de concert avec un ; investigateur dont on déplore la perte récente, M. de Ferry, ont exploré et fait connaître tout ce que renferme la station préhistorique de Solutré. M. Arcelin surtout a consacré à ce travail plusieurs années[1]. La station de Solutré

  1. Voyez le grand mémoire in-4o publié par MM. Arcelin et de Ferry, intitulé le Maçonnais préhistorique, 1870, et un essai fort curieux de reconstitution de la société humaine qui habitait Solutré, intitulé Solutré, ou les chasseurs de rennes de la France centrale, par M. Adrien Arcelin, in-8o ; Paris 1872.