Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 107.djvu/751

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’effigie a fini par disparaître. Pourquoi n’essaierait-on pas de faire reluire de nouveau sur le métal avili l’effigie disparue, l’empreinte effacée de la vérité dont un jour il a porté l’image ? Tâchons de lui rendre sa vraie valeur et son relief. La science est capable de ces miracles ; soyons-lui fidèles, et le miracle s’accomplira. Nous aurons restitué ainsi à l’âme humaine une de ses plus nobles et de ses plus utiles croyances en l’affranchissant de l’idolâtrie qui la déshonore, en ne laissant subsister d’elle que la part de vérité et de vertu morale qu’elle contient. C’est l’œuvre de la philosophie de recueillir avec un soin pieux, dans l’histoire des idées, tout ce qui peut être une lumière ou une force pour l’homme ; mais c’est aussi son devoir de soumettre chacune de ces idées à un examen rigoureux qui sépare l’essence pure de tout alliage. Comment est née cette notion du progrès ? Quels sont les élémens vérifiantes, en dehors de toute chimère et de tout esprit de parti, qui composent le progrès réalisable ou déjà réalisé ? Quelles sont les conditions et les lois auxquelles. il obéit, quelles sont enfin les limites de son développement probable dans la nature humaine ou dans la durée ? Ce sont là autant de questions entre lesquelles se partage le problème et qui déterminent tout naturellement, avec les principaux points de cette étude, l’ordre dans lequel ils viendront d’eux-mêmes se disposer sous notre plume. Le sujet d’ailleurs est tellement vaste que notre souci devra être de le restreindre aux élémens du problème plus spécialement mis en lumière par les théories récentes. Il devra nous suffire aujourd’hui d’exposer l’histoire de l’idée du progrès en insistant tout particulièrement sur les transformations qu’elle a subies dans la science contemporaine.


I

L’idée du progrès a en effet son histoire, et une histoire toute récente. Elle est née tard dans le monde. Ce n’est guère que vers la fin du XVIIIe siècle qu’elle s’est acclimatée parmi nous d’une manière définitive, et que la race des hommes a pris une conscience nette de cette action continue des générations dont chacune a son œuvre à faire et sa tâche à remplir, sous peine de manquer au devoir humain, imposé à chacune d’elles aussi bien qu’aux individus qui la composent. On s’est demandé pourquoi la croyance au progrès, qui nous paraît aujourd’hui si naturelle, s’est produite si tardivement dans l’humanité. Ce n’est pas répondre que de dire que cette croyance ne pouvait naître tant que régnait l’idée antagoniste qui domina toute l’antiquité et le moyen âge, l’idée de cet âge d’or que l’imagination des hommes a si longtemps placé derrière eux comme une sorte d’idéal rétrospectif dont chaque jour les éloigne. Sous quelque forme que l’humanité ait conçu cet âge d’or, mythe ou