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et dirigé par les théories les plus récentes des sciences positives. C’est l’application rigoureuse du darwinisme à l’histoire. Le premier chapitre résume en traits expressifs cette philosophie du progrès : de même que la science géologique essaie de retrouver dans chaque parcelle de terre la trace des forces qui y ont laissé leur empreinte et qui l’ont faite précisément telle qu’elle est, de même la science historique doit traiter l’homme lui-même comme une antiquité. Elle doit essayer de lire, elle commence à lire, dans l’ensemble de tous les élémens qui composent chaque homme, un résumé complet de l’histoire de sa vie entière, la résultante d’une foule d’actions et de modifications antérieures accumulées dans les siècles écoulés.

La physiologie vient ici en aide à l’histoire. Elle a découvert ce pouvoir, — sur lequel est fondée l’éducation, — que possède le système nerveux de faire passer dans l’organisation des actions volontaires en les transformant en actions plus ou moins inconscientes, c’est-à-dire réflexes. Le corps de l’homme, après l’éducation, est rempli de propriétés qui y sont comme emmagasinées, et de facultés acquises qui s’exercent sans que la conscience y ait part. La même chose arrive pour la race. Il existe une tendance en vertu de laquelle les descendans de parens cultivés auront une plus grande aptitude à la culture que les descendans de parens non cultivés. Si l’on n’admet pas cette idée, on ne comprendra jamais le tissu connectif de la civilisation. Là réside la force toujours agissante qui relie les générations aux générations, qui assure à chacune d’elles, dès sa naissance, quelque progrès relativement à celle qui l’a précédée, si la précédente a elle-même fait quelques pas en avant. C’est une cause toute physique de perfectionnement dont les lois déjà connues de l’hérédité donnent un aperçu positif, et qui deviendra de plus en plus claire à mesure que ces lois se préciseront. À cette loi de l’hérédité, ajoutez la loi de la sélection, et vous aurez la raison du développement des nations privilégiées au sein de la race. Imaginez que dans l’origine quelque heureux concours de circonstances ait procuré à un groupe humain l’avantage immense d’un gouvernement accepté, d’une obéissance collective à une autorité quelconque, et par là d’une supériorité militaire incontestable, assurée par la discipline, sur les fractions incohérentes qui composent les peuplades voisines : vous vous expliquerez sans peine comment certains groupes ont prévalu dans la concurrence vitale, comment pendant une certaine période de temps cette supériorité s’est fixée en eux, jusqu’au jour où des causes intérieures ou extérieures ont affaibli cette prédominance héréditaire. Ajoutez à cela, dans chacune de ces nations naissantes, l’influence d’un type attractif, celui d’un héros par exemple, qui tend à prédominer par l’imitation de tous,