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il fut enveloppé par 2,000 cavaliers turcs. Reschid-Pacha dirigeait cette charge en personne. Il y fut légèrement blessé à la main. En moins de dix minutes, la déroute des Grecs fut complète. L’avant-garde s’était fait sabrer sur ses retranchemens ; l’arrière-garde ne songea qu’à regagner au plus tôt le rivage. Church en ce moment s’était mis en marche, Cochrane venait de débarquer. Ils faillirent tous deux tomber entre les mains des Turcs. Pour atteindre l’embarcation à laquelle il dut son salut, Cochrane fut obligé de se jeter à la mer. Le feu des navires qui balayait la plage arrêta seul les delhis dans leur poursuite. Près de 1,500 Grecs avaient péri. Dans le nombre se trouvaient 14 philhellènes et 286 hommes du corps régulier commandés par le colonel Inglesi. Les Turcs avaient fait 240 prisonniers ; ils les emmenèrent à leur camp, les firent agenouiller, et en décapitèrent sur-le-champ 238, Le jeune Dimitri Kalergi, grièvement blessé à la jambe, et le capitaine souliote George Drako furent exceptés de l’exécution générale. Ils avaient promis aux Albanais, à qui ils s’étaient rendus, de se racheter par de fortes rançons. Kalergi se trouva seul en mesure de faire face à cet engagement. Il en coûta 4,500 gourdes et un cheval à son frère. Désespérant, de pouvoir rassembler la somme exigée pour sa délivrance, Drako se suicida, dit-on, dans sa prison. Au nombre des captifs décapités était un philhellène français, nommé Pascal, dont le courage avait souvent fait l’admiration de ses compagnons sur le champ de bataille. Son énergie ne se démentit pas dans cette suprême épreuve.

Le combat du cap Colias devait amener la dissolution d’une armée que ne soutenait plus la confiance en ses chefs. Les débris de la colonne si malheureusement engagée par Cochrane et par Church avaient été embarqués dans la soirée. Ils se retirèrent sur la hauteur de Phalère ; là ils apportèrent la panique et le découragement qui s’était emparé d’eux. En trois jours, plus de 3,000 hommes abandonnèrent le camp. Le général Church, Cochrane lui-même, jugèrent tout perdu. Dans leur détresse, ils ne craignirent pas de s’adresser à un commandant français. Le capitaine de la Junon fut sollicité d’intervenir auprès du pacha. « J’ai tenté tous les moyens, lui écrivit l’amiral Cochrane, pour délivrer la garnison d’Athènes ; je n’ai pu y réussir. le ne compte plus que sur vos bons offices en faveur de malheureux qui ont fait bravement leur devoir envers leur pays. » le général Church de son côté avisait le colonel Fabvier des négociations qui allaient s’ouvrir. « Le courage, la persévérance, lui disait-il avec lesquels vous avez défendu jusqu’à ce moment la forteresse placée sous votre commandement ne laissent point de bornes à ma confiance. le ne crois pas pouvoir vous donner une plus