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son nom l’indiquait, la cour privée et pour ainsi dire personnelle du roi ; le monarque y évoquait les procès pendans aux cours de justice, « soit, écrit M. le vicomte de Luçay, qu’il voulût dans certains cas particuliers soustraire à la sévérité ou à l’action des tribunaux ordinaires une famille, des communautés religieuses ou laïques en crédit, soit qu’il s’agît de certaines catégories de personnes, telles que les fermiers des impôts auxquels, par une mesure générale, une juridiction spéciale avait dû être attribuée. »

Ainsi défini, le conseil du roi devenait la grande officine gouvernementale de la France ; mais, s’il imprimait la direction à tous les services, il ne pouvait surveiller l’exécution. Il formait comme le cerveau de ce vaste organisme dont le roi était l’âme ; il fallait des membres pour que ses résolutions se traduisissent en actions, ou, pour parler sans métaphore, il fallait que les divers services de l’état, réglés par le conseil du roi, eussent chacun leur intendant-général qui fût l’intermédiaire entre le roi, son conseil et les agens et magistrats chargés des détails de l’administration. Telle fut la fonction des secrétaires d’état.

La position des officiers ainsi appelés ne cessa de s’élever du XVIe au XVIIIe siècle ; ils avaient commencé par ne remplir que des fonctions assez subordonnées ; ils arrivèrent par degrés au faîte du pouvoir. On a déjà plusieurs fois écrit leur histoire, elle est curieuse et il importe à notre sujet de la rappeler ici.

Le roi eut d’abord, comme on l’a dit, pour secrétaires privés ceux qu’on nommait les clercs du secret. Au XIVe siècle leur nombre s’élevait à trois et ils avaient d’autres clercs sous leurs ordres. Ils se distinguaient des clercs composant les bureaux du chancelier, pour emprunter l’expression moderne ; ceux-ci prirent le titre de secrétaires du roi, parce qu’ils étaient chargés d’expédier et signer les lettres et actes royaux ; . ils formaient une confrérie, et l’on conserve aux Archives nationales les statuts qui la régissaient, et qu’approuva en 1389 le roi Charles VI. Véritables greffiers, ils ne se bornaient pas à délivrer des expéditions des lettres royales octroyées par le roi en personne ou en son conseil ; ils fournissaient encore copie des actes des maîtres des requêtes de l’hôtel, de la chambre des comptes, et percevaient, à titre de rémunération, un droit acquitté à la caisse de la corporation et dont ils se répartissaient le produit. Louis XI fixa le nombre des secrétaires du roi à 59 et leur conféra, outre les précédentes attributions, le droit de signer à l’exclusion de tous autres les expéditions des dons et finances. Tandis que les clercs du secret s’élevaient graduellement jusqu’au rang de ministres, les secrétaires du roi s’abaissaient par degrés jusqu’à n’être plus que de simples officiers ministériels dont le