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Patrocle, aux vases que les rois de Lydie, Gygès, Alyattes, Crésus, avaient envoyés en offrandes à Delphes, au cratère d’airain que les Lacédémoniens avaient fait exécuter pour Crésus, et qui, dit Hérodote, était décoré jusqu’au bord de « figures de plantes et d’animaux. »

Le mode de composition et les sujets traités dans les vases à peintures noires sur fond rouge, où, dès le VIIe siècle, paraissent des figures humaines, rappellent de tous points les bas-reliefs de style archaïque, si bien qu’il est possible, avec des peintures de vases, de restituer les métopes de certains temples[1]. Sur les poteries peintes comme dans les bas-reliefs, les traditions de la plastique assyrienne sont évidentes. L’anatomie, la musculature, les yeux, la pose, le mouvement des figures, tout nous autorise à rapprocher des sculptures de Ninive les métopes des temples d’Assos, en Mysie, et de Sélinonte, en Sicile. Un des plus anciens ouvrages grecs que l’on connaisse, le précieux bas-relief trouvé à Marathon, qui représente le guerrier Aristion, parait tiré d’une salle de quelque palais assyrien. « On demeure frappé de la ressemblance des détails, dit M. de Longpérier : les yeux, la chevelure, la barbe, les muscles, sont traités de la même manière. » Enfin l’origine et les premières transformations des élémens de l’architecture grecque, au moins d’un ordre d’architecture, peuvent encore être étudiées sur les vases peints de style asiatique, comme sur les monumens de l’Asie-Mineure et de l’Assyrie. Ce n’est pas le lieu de parler de l’emploi des denticules, du méandre, etc., toutes choses qui fourniront un chapitre intéressant au futur historien des origines orientales de l’art grec. Quel grand et beau livre ! Le fera-t-on jamais ? Je ne puis pourtant passer ici sous silence que M. George Perrot a, pour sa part, achevé de prouver l’origine tout asiatique de la colonne ionique. Sur les rochers de la Ptérie, à Boghaz-Keuï, au lieu dit Iasili-Kaïa, « la pierre couverte d’images, » auprès de deux des figures principales du bas-relief, on voit dans le champ un édicule surmonté du globe ailé. Les colonnes qui supportent ce symbole religieux, commun à l’Égypte, à la Phénicie et à l’Assyrie, ont le chapiteau à volutes ioniques. Les deux colonnes qui portent l’architrave d’un petit édifice figuré dans un bas-relief de Khorsabad, également caractérisées par l’emploi de la volute comme motif principal du chapiteau, fournissent un autre type de l’ionique primitif. Ce sont là deux variétés d’un ordre architectural qui, transmis d’Asie aux Grecs des côtes par les peuples de la péninsule, a été adopté et embelli, plus qu’on ne saurait dire, par les Ioniens de la mer Egée.

  1. Hittorff et Zanth, Recueil des monumens de Ségeste et de Sélinonte (Paris 1870).