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plus favorisés, comme la France, est toujours un peu au-dessous du pair ; que ce papier n’ait plus cours forcé, qu’il soit au pair avec la monnaie métallique, immédiatement celle-ci reparaîtra dans la circulation, et il n’en faudra peut-être pas plus qu’il n’en existe déjà.

Il faut prendre enfin en sérieuse considération le développement des moyens de crédit. Sans doute en France et en Allemagne on n’arrivera pas de longtemps à se servir de tous ceux qui existent en Angleterre et aux États-Unis. Cela n’est pas désirable, car, si les Anglais et les Américains économisent beaucoup le numéraire et font reposer la plus grande partie de leurs transactions sur le crédit, ils en sentent quelquefois les inconvéniens. Ils sont exposés à des crises fréquentes, et, quand celles-ci éclatent, elles dégénèrent bien vite en panique ; chacun se précipite sur les banques pour avoir le remboursement de ce qui lui est dû, il n’y a plus de crédit, le mouvement commercial se trouve arrêté tout d’un coup, c’est comme un effondrement. Cela se comprend ; le numéraire est partout la seule mesure exacte de la valeur, celle qu’on a en vue en contractant : on peut y suppléer plus ou moins par des combinaisons de crédit ; mais, pour que ces combinaisons soient solides et inspirent confiance, il faut toujours qu’elles reposent sur la monnaie. C’est la base essentielle, et plus cette base sera large, plus le crédit, semblable à une pyramide, pourra s’élever haut. Il ne serait donc pas désirable, je le répète, de voir se réaliser chez nous une trop grande économie de la circulation métallique, cela serait plus dangereux encore que chez nos voisins ; nous n’avons pas les mêmes habitudes qu’eux ni la même confiance dans les spéculations hasardeuses, et s’il fallait que nous eussions, un système de crédit aussi développé que l’Angleterre, avec aussi peu de numéraire, nous n’y résisterions pas ; la moindre crise dégénérerait en une panique effroyable. Ce qui nous distingue, c’est la sûreté de nos relations commerciales. Aucun peuple ne supporte les crises aussi bien que nous et ne s’en tire à moins de frais ; même l’invasion et la révolution n’ont pas sérieusement ébranlé notre crédit. Cela est dû incontestablement à l’importance de notre stock métallique : il ne faudrait donc pas le diminuer ; mais entre ne pas le diminuer et l’augmenter démesurément il y a un milieu auquel on peut se tenir, et ce milieu, c’est l’état actuel. Il est assez large pour nous permettre de demander en toute sécurité à un développement de crédit les moyens de circulation dont nous pourrions encore avoir besoin par suite du mouvement de la population et du progrès de la richesse.

Un recueil anglais que nous citons souvent et qui a beaucoup d’autorité en matière de finance, the Economist, énumérait