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naguère ce qui pourra se passer en Europe dans un avenir assez rapproché à propos de la monnaie, et il concluait, il est vrai, que la production annuelle de 500 millions d’or serait facilement absorbée et à peine suffisante ; mais sa donnée principale était que les pays qui ont aujourd’hui le papier-monnaie auraient tout à coup de grands besoins le jour où ils reprendraient les paiemens en espèces. Cette donnée n’est pas absolument exacte. Lorsqu’un pays est soumis au papier-monnaie, les espèces métalliques disparaissent sans aucun doute de la circulation, mais elles ne passent pas toujours la frontière ; elles sont le plus souvent thésaurisées, mises en réserve pour des momens plus favorables ; on hésite d’autant plus à s’en séparer qu’on aurait de la peine à les retrouver ; dès qu’on peut se les procurer par le simple échange des billets, alors on n’a plus d’intérêt à les tenir cachées, on les met en circulation, et il peut arriver que le numéraire d’un pays soit moindre après le cours forcé que pendant. Il est probable au moins que le passage d’un régime à l’autre n’augmentera pas beaucoup la demande de numéraire. Cela n’est pas douteux en ce qui concerne la France, et l’on peut croire qu’il en sera de même aux États-Unis. L’or ne circule pas dans ce dernier pays à cause de la prime de 10 à 12 francs dont il jouit encore sur les billets, et il en résulte de grands embarras. On n’ose pas augmenter les billets dans la crainte de les déprécier davantage, et comme d’autre part il n’y a pas d’espèces métalliques en circulation, l’instrument d’échange devient insuffisant ; c’est ainsi que dans la dernière crise les difficultés financières se sont trouvées compliquées de difficultés monétaires. Que le cours forcé cesse, et les espèces métalliques venant s’ajouter aux billets de banque, qui seront reçus avec d’autant plus de faveur qu’on pourra les convertir à volonté, tous les besoins seront aisément satisfaits, et l’Amérique ne demandera probablement pas plus d’or que ce qu’elle en possède déjà Les seuls besoins à prévoir, en dehors d’une certaine part à faire aux progrès de la richesse, sont les emplois industriels, et la réparation de ce qui est perdu par le frai. Quelle peut en être l’importance ? D’après les calculs les plus accrédités, on peut évaluer à une centaine de millions par an ce qui est employé d’or dans l’industrie et dans les arts. Quant au frai, les meilleurs chimistes, M. Dumas entre autres, et les directeurs des établissemens de monnaie, l’estiment à 2 pour 1,000, soit à 1/5e pour 100. Si on applique cette évaluation aux 25 ou 30 milliards d’or qu’il peut y avoir dans le monde civilisé, on a 60 millions qui se trouveraient ainsi perdus ; ce serait donc une somme de 160 millions qui serait nécessaire chaque année pour maintenir la circulation métallique au niveau actuel. Portons-la à 200 millions ; si la production est de 500, il