Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/111

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

resterait encore 300 millions de disponibles pour les nouveaux besoins. On peut croire que ce sera suffisant, car enfin, malgré le papier monnaie, qui est dû à des circonstances tout à fait exceptionnelles et à des raisons beaucoup plus financières que monétaires, nous sommes dans un moment de pléthore métallique plutôt que de disette. On entend tous les jours des plaintes à propos de l’accroissement du prix des choses, que l’on attribue à l’abondance et à la dépréciation des métaux précieux. Dernièrement encore un économiste anglais distingué, tout en combattant l’exagération de certains auteurs, évaluait cette. dépréciation au minimum à 10 pour 100. Quelle que soit l’opinion qu’on ait à cet égard, on peut en conclure au moins qu’il n’y a pas en général pénurie monétaire, et que la rareté n’est pas le mal dont nous ayons à nous défendre aujourd’hui. C’est plutôt le contraire qui nous menace. Enfin, veut-on pousser les choses au pire, et admettre que l’or à lui seul ne suffira pas, eh bien ! on aura toujours la ressource de reprendre l’argent, il n’aura pas disparu, il existera comme marchandise à l’état de lingot sur les divers marchés du monde. Qui empêcherait de le frapper de nouveau ? On en serait quitte pour le racheter au prix qu’il vaudrait alors, et comme il restera toujours très abondant, on courrait certainement moins de risques en s’exposant à l’obligation de le reprendre qu’en cherchant à le garder malgré la dépréciation dont il peut être atteint.

Supposons en effet que les 500 millions de la production annuelle de l’or suffisent et qu’il doive en résulter une certaine fixité dans la valeur de l’instrument d’échange, ce qui est l’idéal. Si à ces 500 millions d’or s’ajoute une production annuelle de 400 millions d’argent, — c’est le chiffre auquel on l’évalue en ce moment, — toutes les prévisions sont renversées, il n’y a plus de fixité dans la valeur du signe monétaire, et on peut prédire à coup sûr qu’il se dépréciera rapidement. C’est un danger pour tous les pays, aussi bien pour ceux qui n’auront que l’étalon d’or que pour ceux qui auront conservé les deux, car, nous l’avons vu, la dépréciation se fait sentir à la fois dans les deux métaux servant de monnaie. Seulement les pays à double étalon subiront un autre inconvénient tout particulier, celui d’avoir un métal qui aura perdu en outre de sa valeur relative vis-à-vis de l’autre, et ce sera le seul en usage. En principe, on proclame le double étalon, mais en fait il n’y en a jamais qu’un en circulation, — le plus déprécié. Si le plus déprécié est l’or, comme il y a quelques années, l’inconvénient n’est pas grave. On a une monnaie très commode, celle qui s’use le moins, et qui est le mieux appropriée aux exigences nouvelles de la civilisation ; c’est celle des grands pays