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cette restriction ne serait pas suffisante : il ne faut pas oublier qu’il y a encore en France pour 1 milliard 500 millions de pièces de 5 francs d’argent en dehors de la monnaie divisionnaire. Il nous en est revenu beaucoup de l’étranger depuis quelques années, et il en reviendra encore. Si à ce stock déjà considérable on ajoute le produit d’une fabrication, même limitée, quand elle ne serait que de 250,000 francs par jour, comme elle était naguère, paraît-il, soit de près de 100 millions par an, nous en aurions bien vite au-delà de nos besoins et serions livrés à de grands embarras.

On dit que la fabrication actuelle a pour but de remplacer les billets de 5 francs émis par la Banque de France, et dont on a reconnu les inconvéniens. Le procédé est naïf : de deux choses l’une, ou la monnaie, même d’argent, fera prime sur le billet de banque, et alors celle qui est nouvellement frappée, comme celle qui l’a été depuis longtemps et qui est aujourd’hui cachée dans les tiroirs, disparaîtra bien vite de la circulation : c’est chercher à remplir le tonneau des Danaïdes, — ou bien cette monnaie d’argent sera dépréciée, se cotera au-dessous de la valeur du billet de banque le jour où on aura repris les paiemens en espèces et où l’or sera la monnaie principale : alors il est inutile de fabriquer de nouvelles pièces de 5 francs ; il en existe assez pour remplacer tous les billets de cette valeur et servir aux usages de la monnaie d’appoint, car c’est à ce rôle que doit se borner dorénavant le métal d’argent.

Il y a une autre mesure à prendre, c’est de limiter la somme qu’on sera tenu d’en recevoir dans les paiemens. On pourrait la fixer à 50 francs, comme en Angleterre ; c’est le double de ce qui a été admis tout récemment aux États-Unis. Avec l’interdiction absolue de la fabrication et la limitation à 50 francs dans les paiemens, on serait sûr, au moins en France, de n’avoir plus dans un temps prochain que la quantité d’argent qui serait strictement nécessaire et dont la dépréciation n’aurait plus alors d’importance, — pas plus que n’en a eu au fond celle des pièces divisionnaires depuis la convention de 1865. Il est difficile de dire au juste quelle serait cette quantité strictement nécessaire. Si on supprime à la fois et le billet de 5 francs et la pièce de même valeur en or, qui est infiniment trop petite et ne plaît à personne, elle serait encore considérable, peut-être de 600 à 700 millions, en dehors de la monnaie divisionnaire actuelle. Dans l’enquête monétaire de 1870, on faisait une grosse objection de la difficulté de se défaire du milliard ou des 1,200 millions d’argent qui pouvaient se trouver alors dans le pays, et sur lesquels 500 ou 600 millions au plus étaient à démonétiser. Les Allemands en ont pour plus de 2 milliards, et cela ne les a pas empêchés de décréter leur réforme. Attendrons-nous qu’elle soit