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ressources sur quelques points et qui ne peut être mis en pratique dans tous les rangs des immenses armées modernes. Leur utilité a été surtout de fournir des modèles nouveaux, de mettre en pratique d’heureuses méthodes ; à ce point de vue, il n’y en a peut-être pas eu qui ait été supérieure à l’ambulance américaine.

Les Américains, pendant la guerre de la sécession, ont porté tout particulièrement leur attention sur la ventilation des hôpitaux ; ayant presque tout à improviser, ils se trouvaient naturellement conduits à construire beaucoup d’hôpitaux temporaires. On s’aperçut bientôt que, dans de certaines conditions, ces hôpitaux, tentes ou baraques étaient tout ce qu’il y a de plus salubre. La transportation forcée des blessés à de grands hôpitaux permanens lointains est non-seulement très coûteuse mais elle contribue beaucoup à augmenter la mortalité dans les armées. Au début de la dernière guerre, la société sanitaire américaine, présidée par M. Evans, s’inspira des exemples donnés aux États-Unis et résolut de construire des hôpitaux-tentes, qui serviraient en quelque sorte de modèle pour l’avenir. L’expérience fut faite à Paris sur les terrains de l’avenue de l’Impératrice. L’ambulance, qui n’avait été faite que pour 40 lits, fut élargie par degrés et en renfermait à la fin 150. Si les tentes furent fixées et restèrent six mois au même endroit, c’est parce que l’investissement de Paris ne fut pas interrompu. Si le siége avait été levé, si l’armée française avait pu sortir de Paris, l’ambulance américaine aurait pu la suivre. Elle resta sédentaire, mais c’était essentiellement une ambulance de campagne, mobile et capable de tenir une place intermédiaire entre les ambulances volantes et les hôpitaux sédentaires. Les Allemands, depuis la guerre de 1866, ont substitué le principe de la dissémination des blessés à celui de leur concentration. Les tentes-hôpitaux se prêtent à une dissémination en quelque sorte indéfinie, et le traitement des blessés à l’air libre, sous la tente, a aujourd’hui fait ses preuves. Il faut lire dans l’ouvrage même tous les détails relatifs à l’installation et à la construction, au chauffage, à l’éclairage, à la ventilation des tentes américaines ; 247 blessés y reçurent les soins les plus intelligens pendant la durée du siége, et sur ce nombre 40 seulement ne purent être arrachés à la mort. Nous ne voudrions pas blesser la modestie de M. Evans en révélant avec quelle générosité il a travaillé, pour sa part, à adoucir les maux qui ont fondu sur son pays d’adoption ; mais on peut le remercier du moins d’avoir rendu un grand service à la science en publiant son livre sur les ambulances, dont il faut recommander la lecture à tous ceux qui ont quelque rôle à jouer dans la réforme et dans l’organisation des services hospitaliers dans nos armées.

A. Laugel.

Le directeur-gérant, C. Buloz.