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sincérité. Ils lui déclarent ouvertement qu’ils entendent la ramener à l’âge d’or où le moine régnait et mettait in pace les libres penseurs, La lutte qui ensanglante aujourd’hui les Pyrénées et les monts Cantabres est une guerre à outrance faite à la bourgeoisie par des prêtres fanatiques et des pâtres munis d’agnus ; c’est la démagogie blanche, laquelle, désespérant de son triomphe, n’a pas craint de se liguer avec les forbans de Carthagène pour l’extermination des idées libérales[1].

L’abstention du général Cabrera et les divisions intestines du parti étaient des circonstances favorables pour le gouvernement républicain ; mais l’épuisement du trésor, l’indiscipline des troupes, l’état de déplorable confusion où était tombée l’armée de Catalogne, le mettaient dans l’impossibilité de profiter de ses avantages, ou de les poursuivre. Sa rupture avec les radicaux le réduisait à choisir ses généraux dans un personnel très restreint, parmi des officiers qui n’avaient pas la confiance du soldat et n’offraient d’autres garanties de succès que de se dire très républicains et très fédéralistes. Pendant plusieurs mois, les bulletins expédiés à Madrid fournirent une ample matière aux commentaires comme aux lazzis des nouvellistes de la Puerta del sol. Tantôt le bruit courait d’une victoire décisive, et il se trouvait de compte fait qu’on avait atteint une bande dans sa retraite, qu’on lui avait tué trois hommes et deux chevaux ; tantôt on promettait la pacification prochaine des provinces basques, parce qu’un cabecilla et un demi-peloton avaient fait leur soumission et réclamé l’indulto. Souvent aussi les nouvelles manquaient, et des semaines entières s’écoulaient sans qu’il se livrât aucun engagement. Pour calmer l’impatience publique, le journal semi-officiel du soir, la Correspondencia, annonçait mystérieusement que le général Nouvilas avait un plan, qu’il en préparait le succès par de savantes combinaisons, dont l’effet ne se ferait pas attendre. Le

  1. Dernièrement une pièce fort curieuse a été publiée par la Gazette officielle de Madrid ; ce sont les instructions répandues par les émissaires de don Carlos pour le soulèvement de la Vieille-Castille. Ce document, marqué au sceau du roi, avec cette inscription : Dieu, la patrie et le roi, — porte que les carlistes devront se concerter avec les républicains intransigens pour insurger les réserves du gouvernement et semer la discorde dans les rangs des volontaires de la république. On lit plus loin : « Comme il convient aux intérêts du roi notre seigneur d’agir avec promptitude et résolution, votre excellence s’occupera autant que possible d’opérer la séquestration des chefs rebelles et des libéraux sacrilèges inscrits dans les listes qui sont au pouvoir du très illustre Sr. Dn… et celle des maudits francs-maçons que vous livrera la commission intérimaire de l’inquisition. » Cette pièce, datée du 11 septembre, a été reproduite par tous les journaux espagnols ; nous ne voyons pas qu’elle ait été désavouée. Une proclamation toute récente du cabecilla Lizarraga contient cette phrase non moins significative : « la liberté religieuse est un mal, et nous avons résolu de la supprimer, sans que personne, pour se soustraire à cet arrêt, puisse exciper de sa qualité d’étranger. »