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Beust au sujet de ce traité, disant qu’il se croyait obligé à cette démarche comme représentant et défenseur des droits de la maison royale d’Angleterre ; « le Hanovre et la Saxe, ajoutait M. Forbes, vont être subordonnés à la Prusse, et bientôt sans doute absorbés par elle. Si le royaume de Hanovre y consent, cela ne nous regarde point ; quant à la Saxe, c’est autre chose. L’époux de la reine d’Angleterre appartient à la maison de Saxe, et, comme tous les princes de cette maison, il peut avoir, selon les circonstances, des droits éventuels à la couronne ; une politique dont l’effet serait de médiatiser tôt ou tard le roi de Saxe porterait atteinte non pas aux droits de l’Angleterre, mais aux intérêts personnels de la souveraine. » Pressé par cet argument inattendu, M. de Beust répondit : « Soyez sans inquiétude, nous nous sommes réservé une porte de derrière. Nous avons fait savoir à Munich que, si la Bavière et l’Autriche n’entraient pas dans l’alliance, la Saxe ne se considérerait pas comme engagée. Cette déclaration, a produit à Munich l’effet que nous devions en attendre ; la Bavière n’accédera pas au traité du 26 mai, et nous sommes libres de nous dégager quand nous voudrons. » M. de Bunsen, qui nous fournit ces curieux détails, ajoute avec amertume :


« Au milieu de cet imbroglio désespérant, ne recevant de Berlin à ce sujet pas un seul mot d’explication, pas la moindre communication d’aucune sorte, ne pouvant ni agir ni exercer une influence quelconque, ce me fut du moins une consolation véritable d’avoir à écrire un rapport sur cette trahison des deux rois et de m’efforcer d’arrêter le mal en dévoilant leurs actes. C’est ce que je fis avec la réserve et la précision du langage officiel, me bornant à exprimer en peu de mots mes sentimens personnels de mécontentement. Quant à écrire au roi, je n’y trouvais plus aucun plaisir. Les derniers mois, en réalisant tous mes pronostics, n’avaient que trop aigri mon humeur. Cependant, lorsque Meyer partit le 5 juin pour l’Allemagne avec des dépêches, je ne pus résister au désir de transmettre au roi, sous la forme d’un annexe secret et personnel au dernier de mes rapports, une déclaration de la reine Victoria, et j’entonnai de nouveau la vieille chanson : maintenant ou jamais ! Je le fis sans espérance, comme c’est sans espérance que je retrace ces détails ! Je n’ai rien non plus à espérer des ministres, au-delà de ce qu’exigent strictement le devoir et l’honneur au point de vue particulier de la Prusse[1]. »


Les paroles de la reine Victoria auxquelles Bunsen fait allusion se rapportaient à l’argumentation de M. Forbes. Cette sollicitude pour ses intérêts propres ou plutôt pour les intérêts éventuels du

  1. Voyez les Mémoires de Bunsen, édition allemande, Leipzig 1871, t. III, p. 9.