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18 mars, il publiait un livre intitulé l’Allemagne et Frédéric-Guillaume IV.[1]. C’était un commentaire de ce qui s’était passé le 18 mars et le programme de ce que Frédéric-Guillaume IV se préparait à réaliser pour l’unité de la patrie. Le général sortait ici pour la première fois de l’ombre mystérieuse où s’élaborait sa pensée. Il va en sortir d’une manière plus éclatante encore ; il se fait nommer au parlement de Francfort, afin d’apprécier de plus près les entreprises de l’Allemagne démocratique, résolu qu’il est à se servir de la révolution, tout en la combattant. Pendant toute la durée du parlement de Francfort, nous avons vu Frédéric-Guillaume IV résister aux entraînemens du baron de Bunsen ; sa foi, dans ces graves circonstances, était soutenue par la foi de M. de Radowitz. Maintenant le roi de Prusse a refusé la couronne impériale que lui apportaient les représentans du peuple ; de cette œuvre révolutionnaire qu’il rejette, il retient pourtant une chose, le vœu du pays en faveur de l’empire et la désignation de la Prusse pour ces fonctions souveraines ; monstratus fatis Vespasianus. Si la nation, d’après Frédéric-Guillaume et M. de Radowitz, n’a pas le droit de donner une couronne, elle a le droit de pousser un cri de détresse et d’appeler à son aide les pouvoirs divinement institués. Le vote du parlement de Francfort qui attribuait l’empire à Frédéric-Guillaume IV était, selon les deux rêveurs, un de ces cris de détresse. Le roi de Prusse ne pouvait se dispenser d’y répondre. L’heure était venue pour lui d’accomplir par la royauté de droit divin ce qui eût été mal fait par la révolution. Le général de Radowitz va entrer en scène.

L’histoire offre parfois des incidens auprès desquels pâlissent les plus habiles combinaisons de la fiction dramatique. On peut se donner ici ce spectacle. Au moment où le général de Radowitz, debout à côté de Frédéric-Guillaume IV, sans caractère officiel, il est vrai, mais connu de tous comme le collaborateur du roi, s’apprête à convertir en actes les subtiles idées dont nous venons de résumer le programme, on voit se dresser en face de lui l’adversaire le mieux fait pour dissiper ces équivoques et balayer cette sophistique. On ne saurait imaginer un plus violent contraste. Auprès de Frédéric-Guillaume IV, esprit grave, austère, enclin aux mystiques rêveries, et pliant déjà sous les épreuves de la vie publique comme sous le poids de sa propre pensée, se tient un personnage qui semble éviter la lumière, âme noble, caractère indécis, composé bizarre du soldat et du moine, le général de Radowitz. Auprès de François-Joseph II, le jeune empereur d’Autriche, quel est ce ministre, jeune encore, brillant, intrépide, impatient d’agir, l’épée en main et la flamme au front ? C’est le prince de Schwarzenberg.

  1. Deutschland und Friedrich Wilhelm IV, Hambourg 1848.