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Le prince Félix de Schwarzenberg était né le 2 octobre 1800, dans la seigneurie de Krummau, en Bohême. Son père était le prince Joseph ; sa mère, la princesse Pauline, était née duchesse d’Arenberg. Est-il besoin de rappeler que cette race princière était au premier rang de l’aristocratie autrichienne ? Les Schwarzenberg ont donné à la maison de Habsbourg bien des serviteurs dont l’histoire a gardé le souvenir ; le prince Félix, pendant sa première jeunesse, avait eu sous les yeux le plus grand de tous et le plus illustre. Son oncle était le maréchal de Schwarzenberg, un de nos plus dignes adversaires, celui qui a joué un rôle si important dans les guerres de la révolution et de l’empire. Si nous avions à retracer ici la biographie complète du prince Félix, nous ne pourrions nous dispenser de signaler avec détail l’horrible mort de sa mère, la princesse Pauline de Schwarzenberg. Elle était venue à Paris en 1810 avec son mari et deux de ses filles à l’occasion du mariage de l’empereur Napoléon. C’était précisément son beau-frère, le maréchal de Schwarzenberg, le futur généralissime des armées alliées à Leipzig, alors ambassadeur d’Autriche à Paris, qui avait négocié le mariage de l’empereur Napoléon avec l’archiduchesse Marie-Louise. Le mariage avait été célébré le 1er et le 2 avril ; le 1er juillet suivant, le maréchal donna un grand bal à l’hôtel de l’ambassade, et l’empereur y vint avec l’impératrice. La fête était éblouissante ; on sait dans quelle catastrophe disparurent toutes ces splendeurs. Le feu éclate, on se précipite, on s’écrase aux portes des salons ; en quelques heures, tout devint la proie des flammes. Le lendemain, le corps de la princesse Pauline de Schwarzenberg fut retrouvé parmi les victimes. Les circonstances rendirent cet événement plus douloureux encore. C’était pour sauver une de ses filles que la malheureuse mère s’était exposée, à cette effroyable mort. La société européenne en ressentit longtemps une sorte de stupeur. La princesse Pauline était une personne d’élite, un vrai modèle de grâce et de dévoûment ; on la citait comme un type charmant de la mère chrétienne. Si elle n’eût été ainsi arrachée à sa famille, avec quel soin elle eût surveillé l’éducation de ce fils si bien doué, avec quel orgueil elle eût joui de ses premiers succès ! A dix-huit ans, le prince Félix entra comme cadet dans un régiment de cuirassiers, et de grade en grade il y devint chef d’escadron ; à vingt-quatre ans, l’empereur François Ier, frappé des vives qualités de son intelligence, lui ouvre la carrière diplomatique. Il va d’abord à Saint-Pétersbourg comme attaché d’ambassade, puis à Londres et de là au Brésil. A son retour en Europe, il occupe différens postes dans les légations autrichiennes, à Paris, à Berlin, et bientôt nommé chargé d’affaires, il représente son pays à Turin et à Naples.

Ces voyages lui étaient des occasions de lire dans le grand livre