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noms qu’elle contient ne sont pas tous à dédaigner ; où sont pourtant les chefs des grands états secondaires ? où est le roi de Bavière ? où est le roi de Saxe ? où est le roi de Hanovre ? où est le roi de Wurtemberg ? Ils sont à Francfort, — non pas de leurs personnes, mais représentés par des plénipotentiaires, — ils sont à Francfort, dans la cité impériale, qui ce jour-là même, le 10 mai 1850, a vu reparaître le conseil de l’ancienne diète convoqué par le gouvernement autrichien. La coïncidence des dates fait éclater, comme un coup de théâtre, l’antagonisme des situations. A Berlin, l’union restreinte essaie de rapprocher ses anneaux à demi rompus ; à Francfort, la diète de 1815 essaie de reconstituer son pouvoir, supprimé par la révolution. L’une et l’autre ont la prétention de représenter provisoirement l’autorité centrale de l’Allemagne, et réclament le droit de fonder l’autorité définitive. Qui l’emportera de l’union restreinte ou de la diète restaurée ? Grande question qui mettra le feu aux poudres. On touche au terme inévitable de cette lutte qui, depuis dix-huit mois, tient l’Allemagne en suspens. Les deux adversaires sont acculés dans des positions qu’ils ne peuvent abandonner sans honte. Pendant trois mois encore, ils vont essayer de se mettre d’accord par voie diplomatique. Dans cette discussion, qui devient bientôt une bataille à coups de notes, les voix montent, les paroles s’aiguisent ; à toute heure, à tout instant, on voit s’amasser des trésors de colère. Qu’une étincelle jaillisse, l’Allemagne entière est embrasée.

Précisément au plus vif de la crise éclate l’affaire de la Hesse-Électorale. Le souverain de ce petit pays, l’électeur Frédéric-Guillaume Ier, est en lutte ouverte avec tout son peuple. Un aventurier, M. Hassenpflug, passé de la Hesse au service de la Prusse, puis chassé de la Prusse sous les inculpations les plus graves, s’est fait fort de mettre à la raison l’assemblée des états, qui prétend modérer les dépenses du prince ; le prince le nomme premier ministre. On dirait un défi à l’honnêteté publique. Irrité des résistances qu’il rencontre, l’aventurier a dissous deux fois la chambre, et deux fois le pays a renvoyé des représentans décidés à ne pas faiblir. La troisième chambre étant dissoute à son tour, la réprobation universelle éclate : l’administration, la magistrature, l’armée, refusent d’obéir à Frédéric-Guillaume Ier tant qu’il gardera dans ses conseils un personnage qui les déshonore. Les choses vont si loin que l’électeur est obligé de prendre la fuite en compagnie de M. Hassenpflug. Il s’obstine cependant, et, pour réduire ses sujets au joug du bon plaisir, il implore l’assistance de la diète de Francfort. De son côté, le loyal peuple de Hesse fait appel à l’union restreinte. Toujours l’union restreinte ou la diète de Francfort ! La question des deux pouvoirs, déjà si brûlante, se trouvait engagée tout à coup de la façon la plus dramatique. L’Autriche en d’autres temps aurait donné de