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contradictions que nous croyons victorieuses. Racheter avec tout où partie des 200 millions de la rente perpétuelle alors qu’elle vient d’être émise, et la payer naturellement plus que l’émission n’a produit, semble une idée trop naïve pour qu’il y ait lieu de s’y arrêter — Combler d’autant le déficit du budget, ce peut être un cas de force majeure, auquel il faudrait se résigner, mais qu’on doit se garder de proposer comme une mesure régulière, puisque ce serait travailler soi-même à ce qu’on veut au contraire éloigner à toujours, le discrédit de l’état. Consacrer cette grosse somme à subventionner des entreprises fructueuses serait d’une meilleure politique assurément maison doit bien savoir à l’avance s’il ne vaut pas encore mieux s’acquitter vis-à-vis de la Banque elle-même, et le doute à cet égard n’est pas permis. La Banque de France a été le sauveur du pays en 1870 et 1871 : son crédit est la clé de voûte de notre édifice financier ; elle a soutenu l’état, les établissemens privés et publics, le commerce et l’industrie tout entiers. Puisque l’on a été obligé de rétablir le cours forcé du billet de banque, et qu’il n’en est résulté aucun dommage, le plus grand intérêt social actuellement est de sauvegarder la valeur du papier-monnaie : or le remboursement de la dette de l’état vis-à-vis de la Banque paraît indispensable pour atteindre ce but.

Le cours du temps, les événemens de ces dernières années, ont singulièrement modifié en France les habitudes en ce qui concerne le papier-monnaie. Il y a trois ans, et malgré l’épreuve aisément supportée du cours forcé des billets de la Banque après 1848, il semblait difficile de faire accepter dans les campagnes du papier au lieu de numéraire : il n’en est plus de même aujourd’hui. Rappelons ce qui s’est passé après les journées de février et l’établissement de la seconde république, pour le comparer avec ce que nous voyons en 1873. Le cours forcé, établi par un décret du 15 mars 1848, ne fut appliqué tout d’abord qu’à une circulation de 350 millions pour la Banque de France et de 102 millions pour les banques départementales. Après la réunion de celles-ci à la Banque de France, le maximum de la circulation fut élevé à 525 millions. Deux ans après, la loi du 6 août 1850 abolit le cours forcé. Avant d’être aboli officiellement, il l’était déjà en fait, et l’on se souvient que nombre de porteurs de comptes-courans à la Banque, en lui versant des fonds, stipulaient qu’une partie ne leur serait pas remboursée en numéraire, et se faisaient ouvrir deux comptes-courans, dont l’un, par mention expresse, était payable en billets. La Banque était si abondamment pourvue qu’elle forçait à recevoir en espèces tout compte de 5,000 francs et au-dessous.

Les rapports annuels du gouverneur de la Banque, le comte d’Argout, présentent sur cette époque les plus intéressantes