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matériel est encore venu l’accroître : l’émission des petites coupures. La Banque de France a résisté longtemps à la création de billets de 5 francs v après les essais locaux faits pendant la guerre pour la circulation de coupures au-dessous de celles de la Banque, à la fin de 1871 ; le change sur l’or s’étant élevé tout d’un coup à 25 francs pour 1,000 francs, les réclamations du commerce ont décidé quelques grands établissement de crédit à émettre des coupures de 5 francs, 2 francs et 1 franc. Le conseil de la Banque ne put tarder davantage d’abaisser jusqu’à 5 francs le type de ses billets, et l’usage en devint tel que dans l’année 1872 la Banque en fabriqua 22 millions en même temps qu’elle émettait une quantité nouvelle de 28 millions de billets de 20 francs contre seulement 325,000 billets nouveaux de 500 francs et de 1,000 francs !

Ainsi d’abord la nécessité de pourvoir aux besoins, locaux en émettant du papier de circulation locale, puis les dépenses de la guerre, l’indemnité à payer à l’Allemagne, le développement instantané des affaires, enfin la création des petites coupures, ont introduit, maintenu et assuré l’usage du papier monnaie. Aujourd’hui la question est résolue, les mœurs financières de la France sont transformées, et le fantôme terrifiant d’autrefois est la réalité bienvenue d’aujourd’hui.

Le crédit des billets de banque est donc entier, mais il faut éviter tout ce qui pourrait l’altérer. Contrairement à ce qui existe en Angleterre, où au-delà d’une somme de 375 millions la Banque ne peut émettre aucun billet sans en avoir la représentation en numéraire, si la Banque de France peut à l’aide d’une loi reculer indéfiniment ses limites d’émission, la nature des choses exige que les trois valeurs dont le billet est la contre-partie soient des plus sérieuses, à savoir, les opérations de commerce dont les effets viennent à l’escompte, les titres mobiliers sur lesquels la Banque fait des avances, enfin les engagemens de l’état lorsqu’il a recours à elle. Chacun de ces élémens du crédit des billets de la Banque doit demeurer à l’abri de toute suspicion, et c’est ce qui a eu lieu dans ces trois dernières années. Le commerce en effet a prospéré sans interruption ; l’année 1872 devait naturellement dépasser les résultats de 1871, mais déjà le mouvement des neuf premiers mois de 1873 accuse une différence en plus sur la même période de l’exercice précédent. Quant aux prêts sur titres, le gage s’est accru par suite de la hausse persistante des valeurs. Restent les engagemens de l’état, qui pouvaient s’élever à 1,500 millions non compris les 150 millions prêtés pour le paiement du dernier terme de l’indemnité allemande. Or en 1874 l’état ne sera plus redevable que de 1,230 millions, et son crédit est tel que le taux des emprunts de 5 milliards émis en deux ans s’est élevé d’un huitième ;