Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/407

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

encore plus abondante de recettes dans des taxes tant de fois remaniées ou dans l’application de systèmes nouveaux contraires aux habitudes d’un pays où l’extrême division des fortunes et le nombre indéfini des situations moyennes rendent les sacrifices directs si lourds ? Gardons-nous bien d’arrêter dans leurs efforts multipliés les économies spontanées des petites fortunes, dont l’ensemble constitue cette épargne annuelle énorme qui est le caractère distinctif et la supériorité de notre pays !

En résumé, si le développement des affaires et la régularité du paiement des impôts nous ont prouvé que les nouvelles charges sont loin d’être accablantes, d’un autre côté la marche même de ces surtaxes, les résultats quelquefois contraires des impôts nouveaux, les hésitations du gouvernement et de l’assemblée nationale, les réclamations du public contre la plupart de ces innovations, sont des symptômes qui commandent une extrême prudence. Il paraît évident qu’il faut éviter d’aller plus loin dans cette voie, et que c’est à d’autres moyens qu’il conviendrait de recourir pour subvenir à de nouveaux besoins. La nature des choses et le bon sens ont voulu que le déficit du budget fût comblé par l’impôt ; le pays, sous ce rapport, n’a pas marchandé les sacrifices. Pour des dépenses qui intéresseraient surtout l’avenir, en dehors d’économies impossibles, avec des impôts surchargés, avec un amortissement, ou, ce qui est plus vrai de dire, un remboursement qu’on ne dû pas ajourner, il n’y a plus qu’une ressource, l’emprunt.

Quoi ! l’emprunt après cet énorme accroissement d’une dette qui a doublé en trois ans, alors que les derniers versemens sur le nouveau 5 pour 100 ne prendront fin qu’en avril 1874 ! Ne serait-ce pas risquer de tout compromettre, d’ébranler cet édifice financier si laborieusement restauré, de tarir les sources vives de cette reprise des affaires et du travail dont nous avons vu le prodigieux développement ? On ne saurait prétendre à coup sûr qu’un nouvel emprunt soit un bien ; mais de tous les maux, c’est le moindre, et la meilleure de toutes les raisons, c’est qu’on ne l’évitera pas. L’essentiel est d’en choisir le moment.

Et d’abord quel doit en être le chiffre ? Au moins celui des paiemens restant à faire à la Banque, soit, au 1er janvier 1874, environ 1 milliard 200 millions. Si l’on admet que, dans certaines éventualités favorables, un tel emprunt puisse être émis à 90 francs et acquitté en six paiemens semestriels, c’est une annuité de 64 millions environ à inscrire au budget, par conséquent une disponibilité de 136 millions pendant les sept exercices qui précéderaient, dans l’état actuel du contrat avec la Banque de France, le remboursement intégral de sa créance. Tandis que le public souscripteur de l’emprunt se serait substitué à l’état pour rendre à la Banque ce qu’il en