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principale d’une manière aussi étendue et aussi complète que s’il avait dû plaider au fond, il y touche néanmoins ; il tient à montrer qu’il ne s’abrite derrière ce bouclier que par respect pour la loi, qui le veut ainsi : fallût-il engager la bataille dans d’autres conditions et avec d’autres armes, il serait encore certain de triompher. On trouve donc dans ce discours presque tout ce qu’il faut pour écrire l’histoire des démêlés d’Apollodore et de Phormion ; là où subsistent quelques obscurités, on a la ressource de demander des lumières à l’un des huit plaidoyers prononcés dans d’autres débats par le très processif Apollodore ; il n’en est pour ainsi dire aucun qui ne nous apprenne quelque chose des affaires de Pasion et de sa succession.

Autant que nous pouvons en juger d’après le résumé que Démosthène donne du testament de Pasion, le vieillard, qui savait Apollodore dépensier et brouillon, aurait désiré que son patrimoine restât indivis jusqu’à la majorité de son second fils. Phormion et ceux qui lui avaient été adjoints dans la tutelle l’auraient administré en gens économes et avisés ; ils auraient servi au fils aîné la moitié du revenu commun. C’eût été autant de gagné, huit années pendant lesquelles Apollodore n’aurait pas pu gaspiller sa fortune. Par malheur, pour que les biens fussent soumis à ce régime, il fallait le consentement d’Apollodore ; majeur, déjà marié peut-être à la fille de Deinias, un riche citoyen, il avait le droit de réclamer sa part d’héritage. Apollodore n’aurait consenti à l’indivision que s’il avait eu la haute main sur la gestion du patrimoine ; dans ce cas, Pasiclès aurait couru risque de n’en plus trouver à sa majorité que de bien faibles débris. Dans l’intérêt de leur pupille, les tuteurs préférèrent procéder tout de suite au partage.

Apollodore ne semble point avoir soulevé de difficultés ni au moment de ce partage, qui lui assurait la jouissance d’une belle fortune, ni, un peu plus tôt, pendant la dernière maladie de son père, quand celui-ci fit connaître les dispositions qu’il avait prises. Après le décès, Apollodore, qui avait espéré rester tuteur de son frère et de sa mère et maître ainsi de tout l’héritage, ne prit pas longtemps la peine de dissimuler son désappointement et sa colère. La veuve, suivant l’usage, avait donné quelques mois aux regrets et au deuil, puis, obéissant à la volonté suprême du défunt, elle avait épousé Phormion. Apollodore, comme triérarque, était alors absent d’Athènes. Lorsqu’il revint, il manifesta tout haut l’indignation que lui causait ce qu’il appelait une mésalliance ; il traita Phormion avec le dernier mépris, et, se prétendant lésé dans son honneur et ses intérêts par cette union, il alla jusqu’à menacer Phormion d’un procès criminel : déjà la plainte était déposée au greffe de l’archonte. On ne voit pas comment Apollodore aurait pu soutenir jusqu’au bout cette