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parens, omnibus subveniens, tristem fecit neminem. » C’est une épitaphe qui conviendrait à une chrétienne.

Il arrive aussi qu’on les raille de leur pédantisme, et Juvénal a tracé un portrait fort amusant de la savante qui à table ennuie les convives en comparant Homère à Virgile, qui se pique de ne manquer jamais aux règles de la syntaxe, et qui ne pardonne pas à son mari d’avoir fait un solécisme. Ce n’est après tout que l’excès d’une qualité. Si le pédantisme est un ridicule dont il faut se garder, l’instruction est un grand bien et il convient que la femme y ait part comme l’homme. Les femmes instruites sont très nombreuses au Ier siècle. Plusieurs d’entre elles prennent goût aux lettres jusqu’à devenir capables d’écrire elles-mêmes des ouvrages, et personne n’en paraît scandalisé, ni même surpris. Agrippine, la mère de Néron, avait composé des mémoires sur sa jeunesse qui furent publiés. Pline rapporte qu’un de ses amis, personnage d’importance, lui lisait des lettres qu’il prétendait l’œuvre de sa femme, et qu’elles étaient charmantes ; « vous croiriez entendre Plante et Térence parler en prose. » Il nous reste de Sulpicia, qui vivait sous Trajan, une satire énergique contre Domitien à propos de l’exil des philosophes. On nous dit qu’elle avait fait paraître aussi un recueil de vers amoureux ; c’étaient des élégies qu’on trouvait un peu trop passionnées, mais dont personne n’avait le droit de médire, car elle les adressait à son mari, ce qui faisait dire à Martial qu’elle avait trouvé moyen d’être en même temps fort légère et très grave. Quand on use si volontiers de la littérature, il est difficile qu’on ne soit pas entraîné quelquefois à en abuser, et c’est seulement lorsqu’il y a beaucoup de femmes instruites qu’il peut dans le nombre se rencontrer quelques pédantes. Ces abus, et d’autres que les satiriques énumèrent avec complaisance, ne sont pas surprenans avec le changement qui s’était fait dans la façon de vivre des femmes. Le vieux Caton disait d’elles que c’étaient des êtres indomptés, et qu’il ne leur était pas possible de garder en rien une juste mesure. Dans ces libertés qu’on leur accorda ou qu’elles prirent, beaucoup allèrent trop loin. On avait annoncé que le jour où elles seraient les égales des hommes elles voudraient les dominer ; c’est ce qui ne manqua pas d’arriver. Quand elles se sentirent maîtresses d’elles-mêmes et quelquefois des autres, elles devinrent violentes, hautaines, insupportables. Elles exerçaient l’autorité domestique avec une impitoyable dureté, rudoyant leurs maris, battant leurs esclaves. Quelques-unes, voulant pousser l’égalité jusqu’au bout, se plaisaient à envahir les métiers que les hommes s’étaient jusque-là réservés. On voyait des femmes avocats, jurisconsultes, et, ce qui est plus grave, des femmes athlètes et gladiateurs. « Elles fuyaient leur sexe, » dit le satirique,