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à Avignon, et celui qui l’occupait, Grimaud de Grévissac (Urbain V), était un quasi-compatriote du duc de Bourbon, puisqu’il appartenait par sa naissance à la province du Gévaudan. Edouard eut l’idée de s’adresser à Louis II, et lui donna congé de retourner en France pour solliciter ce siège épiscopal, lui promettant qu’il se montrerait facile pour les conditions de son rachat, si le pape consentait à cette nomination, Louis partit pour Avignon, et arriva dans cette ville presque au moment où Urbain faisait faire leurs malles à ses officiers et à ses cardinaux pour aller à Rome, où il voulait depuis longtemps rétablir le siège pontifical. Urbain se montra bon concitoyen, et accorda l’évêché de Winchester non au roi d’Angleterre, mais au duc de Bourbon, avec permission d’y nommer qui lui plairait. Louis y gagna sa délivrance, et Oxford son plus grand bienfaiteur.

Le second duc de Bourbon qui dort à Souvigny est Charles Ier, petit-fils de Louis II. Son tombeau a été un peu moins mutilé que celui de son grand-père, au moins dans sa partie principale, les deux statues de la surface, qui sont à peu près intactes. Aux côtés de Charles est couchée sa femme, Agnès, fille de Jean sans Peur, très reconnaissable à ses traits de famille, car elle présente une ressemblance marquée avec sa sœur, la duchesse de Bedford, femme de Jean de Lancastre. C’était bien contre son gré que Charles l’avait épousée : comme son grand-père Louis et son père Jean, alors prisonnier d’Azincourt, il restait inébranlable dans sa fidélité à la couronne; mais quoi? Jean sans Peur, qui venait d’entrer à Paris, le tenait alors dans ses filets, les Anglais occupaient le royaume, son père était parti pour cette longue captivité de vingt ans d’où il ne devait pas revenir, il fallut bien céder. Il eut raison de se soumettre aux circonstances; cette union, accomplie à contre-cœur, n’eut que des résultats heureux pour lui et pour la France. Plus tard sa qualité de beau-frère de Philippe le Bon lui permit de négocier avec un succès certain le traité d’Arras, qui réconcilia le duc de Bourgogne et le roi de France : onéreuse réconciliation vraiment, et d’où Charles VII serait sorti fort diminué, si à cette époque il avait eu à craindre de se ruiner, mais qui n’en fut pas moins, après le miracle de Jeanne d’Arc, le pas le plus sérieux que fit la France pour reprendre possession d’elle-même. Le second résultat heureux de cette union fut la nombreuse postérité qu’elle donna à Charles Ier. Il eut d’Agnès onze enfans, dont les effigies ornaient autrefois les quatre faces de son tombeau, où ils remplaçaient avec avantage les apôtres et les saints qui composaient l’ornement banal de ces monumens. La destruction malheureusement n’a pas respecté cette décoration, aussi originale que bien justifiée. Je dis bien justifiée, parce que jamais prince n’eut une postérité plus magnifique. Charles Ier put être dit le second fondateur de la maison de Bour-