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M. Rambourg. Grâce à ses explorations, qui eurent pour résultat de constater les richesses géologiques de la contrée, houilles et minerais de fer, les premières forges furent établies, et l’industrie moderne commença. M. Rambourg laissa après lui une famille qui continua et agrandit son œuvre, et par l’activité de cette famille une ville nouvelle, celle de Commentry, sortit de terre aux portes mêmes de Montluçon; puis vinrent les voies nouvelles de transport, chemins de fer, canal du Cher, qui la mirent en communication avec le Berry et le centre de la France. Cependant, en dépit de toutes ces circonstances heureuses, Montluçon ne grandissait que lentement lorsqu’il s’en est présenté une dernière, qui lui a ouvert un immense avenir. Montluçon n’a pris sa croissance définitive que lorsqu’une voie ferrée, traversant la Marche, l’a relié au Limousin, tant la Marche est le véritable champ d’action de cette ville. En quelques années, sa population a presque quadruplé, une très belle ville, entièrement nouvelle, s’est construite sur le vaste espace qui sépare l’embarcadère de la vieille colline féodale, et Montluçon, dès aujourd’hui la cité la plus considérable du Bourbonnais, arrache le sceptre de la prééminence à Moulins, qui est bien autrement intéressant pour l’artiste et l’historien, mais qui, n’ayant pu se renouveler à temps, reste doucement endormi dans les habitudes de son passé. Moulins est comparable à un vieux gentilhomme qui conserve intacte sa condition, tout en voyant sa fortune décroître d’année en année; Montluçon est un bourgeois d’autrefois qui, n’ayant pas à espérer de conserver sa condition en perdant sa fortune, a bravement endossé la casaque du travailleur, s’est mis à forger du fer, à extraire de la houille, à polir des glaces, et qui en ce faisant a conquis la prospérité dans le présent et, ce qui vaut mieux encore, l’espérance pour l’avenir.

En dehors de la physionomie pittoresque de ses hauts quartiers, Montluçon n’offre d’autre pâture à la curiosité du promeneur qu’une très belle église de style roman placée sous l’invocation de saint Pierre. La partie haute de cette église est d’une grande originalité. Le chœur, le sanctuaire et l’abside ou plutôt les absides ne forment qu’un seul tout, nettement séparé de la nef et presque clos par les dispositions architecturales comme un lieu réservé et interdit aux fidèles. Deux piliers énormes, singulièrement rapprochés l’un de l’autre, surmontés d’un arc roman étroit à l’excès et qui paraît un fardeau bien léger pour deux pareils athlètes, ouvrent l’entrée de ce sanctuaire; par derrière, deux autres piliers, encore plus énormes et surmontés d’un arc encore plus étroit, complètent ce porche fort resserré, mais que le diamètre presque monstrueux des piliers fait paraître plus resserré qu’il ne l’est. On dirait des géans chargés de défendre l’accès du sanctuaire, qui se sont écar-