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du Puy-en-Velay. À ce propos, un touriste voyageant en Bourbonnais s’est demandé si ce nom de Guido ne permettrait pas de rapporter ce tableau au célèbre Italien Guido Reni, et s’est ingénié pour découvrir dans cette toile les qualités propres au peintre de l’Aurore, La seule chose qui l’ait embarrassé, c’est ce titre d’enfant du Puy-en-Velay, Aniciensis, que le peintre s’est attribué. Nous pouvons calmer les incertitudes de l’ingénieux touriste, car, outre que le peintre s’est chargé de nous informer du lieu de sa naissance, lequel n’a rien de commun avec Bologne, outre qu’à cette date de 1635 Guido Reni était déjà avancé en âge et qu’il avait probablement ralenti cette rage de production à laquelle le poussa la fureur du jeu, le tableau de l’église de Gannat ressemble à un tableau du Guide à peu près comme un Caravage ressemble à un Raphaël. La vérité est que cela rappelle de très près notre Valentin, dont c’est précisément l’époque, et que cette toile est due très probablement à quelque artiste du temps, admirateur de ses œuvres, son élève peut-être, et qui aux qualités fondamentales du maître français a su joindre un très léger reflet de l’école flamande. C’était sans doute un peintre de province, comme l’ancienne France en a tant produit d’un mérite réel, — car ce nom d’artiste de province n’entraînait pas alors la défaveur qui s’y attache aujourd’hui, — et dont la renommée n’avait pas dépassé les montagnes de ces régions d’Auvergne. C’est un produit du pays fourni par un artiste du pays ; mais ce cru auvergnat est bon, et les yeux le goûtent avec plaisir.

L’intérêt de Gannat, pas plus que celui de Montluçon, n’est dans les curiosités archéologiques, il est tout entier dans le fait que nous avons essayé d’expliquer en commençant ce chapitre. Gannat, c’est l’Auvergne, comme Montluçon est la Marche, si bien l’Auvergne que ce district en faisait partie autrefois; c’est Philippe-Auguste qui l’en détacha dans les premières années du XIIIe siècle en punition de je ne sais quelle révolte du comte d’Auvergne d’alors. C’est l’Auvergne, cette petite église que nous venons de quitter nous en avertit par tous ses caractères, par son intérieur ténébreux, par sa tour carrée qui du pied de l’édifice s’élève avec modération et se couronne à son sommet d’un élégant balcon, par la jolie tourelle cylindrique engagée dans le flanc de cette tour et qui la suit dans toute son étendue. Mieux que l’histoire, mieux que les arts, la nature enfin se charge de nous apprendre que nous sommes ici dans un nouveau pays. Ce sont encore et toujours des gorges et des mamelons; mais que ces gorges verdoyantes, où le soleil fait descendre à flots l’or de ses rayons et d’où les eaux font monter la gaze légère de leurs vapeurs, sont différentes des gris précipices de Néris, et que ces mamelons, à la sauvagerie provocante, qui vous invitent à tenter l’escalade, diffèrent des collines noires, hargneuses, hérissées, de