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UNE VISITE
A
L’EXPOSITION DE VIENNE


I.

Lorsque j’arrivai à Vienne, vers le milieu de septembre dernier, la ville jouissait encore avec une sorte d’emportement du spectacle de sa grande exposition. Trois mois n’avaient pas suffi pour tempérer les enivremens de cette fête perpétuelle, et la présence de Victor-Emmanuel, avec son cortège de notabilités italiennes en uniforme ou en frac, venait d’y ajoute! un élément de plus. Jamais l’affluence des curieux n’avait été plus grande, le mouvement de la population plus actif. Tous les hôtels étaient pleins, il fallait se contenter du moindre gîte, quelque prix qu’on dût y mettre, et dans les restaurans d’un coin de table, dût-on s’y trouver gêné. La cour avait ses hôtes et les traitait magnifiquement : dîners à Schœnbrunn, visites à Laxenburg, où logeait le roi d’Italie, grandes chasses, spectacles de gala, revue au champ de manœuvres, réceptions officielles, tout cela se succédant avec beaucoup de bonne grâce, mêlée d’un peu d’étiquette. Il y eut entre les deux anciens adversaires, l’empereur et le roi, l’accolade de rigueur, et comme dernier gage de réconciliation un échange honorifique de régimens. Voilà le programme ostensible; quant à la partie secrète, peut-être la trouvera-t-on quelque jour dans les notes des cabinets ou dans les actes qui en sortiront.

Si la cour avait ses hôtes, le peuple avait aussi les siens, reconnaissables aux costumes bigarrés qui çà et là tranchaient sur le reste de la foule : Tyroliens, Hongrois, Bohèmes, Turcs, Persans et Hindous, venus les uns pour étaler, les autres pour voir les plus beaux produits de leur sol et de leur industrie, mis aux prises dans