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avait d’excellent, la fleur du panier, comme on dit. On voyait ainsi juxtaposés de petits chefs-d’œuvre qui tous avaient leur date et leur légende, et qui pour la première fois se trouvaient réunis, jouissances délicates que nulle autre part et à aucun prix on n’aurait pu se procurer.

L’art menait donc le branle dans cette fête des produits, et on le retrouvait dans la plupart des objets que la France avait exposés. C’est là notre cachet, le signe de notre force, une vérité d’observation qui a été reconnue constante toutes les fois qu’une comparaison s’est établie entre les produits anglais et les nôtres. Les Anglais nous sont supérieurs dans tous les objets où il entre plus d’industrie que d’art; nous leur sommes supérieurs dans ceux où il entre plus d’art que d’industrie. Il reste à voir si l’axiome, juste pour l’Angleterre, l’a été également pour les industries allemandes et hongroises qui figuraient dans les galeries de l’exposition. Jamais l’Allemagne n’avait procédé par de telles masses, une fois encore elle espérait nous écraser par le nombre; elle avait dans la majorité des jurés plutôt des complices que des juges, et souvent il a fallu lutter pour obtenir, dans les récompenses d’honneur, de plus équitables répartitions. Nous n’avons pas à pénétrer dans ces débats ; il nous suffit d’en constater les suites, et nous le ferons à l’aide, des impressions qu’en a recueillies un membre du jury français, M. Ad. Blaise (des Vosges), très compétent en matière d’industrie. Nous le suivrons dans le résumé qu’il en a fait et en tirerons les conclusions qui en découlent.

C’est donc avec l’Allemagne surtout qu’il s’agissait à Vienne d’établir des points de comparaison. Elle avait beau jeu sur nous après les odieuses violences qu’elle nous a infligées. En nous arrachant l’Alsace entière et une portion de la Lorraine, elle avait porté à nos industries un coup dont elles se ressentiront longtemps, et qui saignait encore au moment où l’exposition ouvrait ses portes. Il y avait là une élite de fabriques qui hier encore travaillaient pour nous, composaient une partie de notre fortune et de notre puissance, et qui venaient d’être emportées en pays ennemi avec leur matériel, leur capital d’instrumens, leurs ateliers et les hommes qui en tiraient leurs moyens d’existence. Quelle perte, et comment ne pas en faire le douloureux dénombrement ! Du même coup, Mulhouse, Thann, Munster, Guebviller, Sainte-Marie, Grafî’ensteden, Saint-Louis, Zornhoff, Bouxwiller, avaient été rayés de la carte de France pour enrichir l’empire d’Allemagne, ce nouveau-venu parmi les états de premier ordre. Les destins l’avaient voulu. Que de millions passaient ainsi d’un trésor à l’autre, sans tenir compte de l’écrasante rançon dont on nous avait frappés ! Dans tous les cas,