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eût désignés sous le nom de Docks du Danube, et qui eût servi à loger les produits de la Hongrie, surtout les récoltes de céréales dans leur transit vers l’Europe en cas de disette. Tout cela reste après l’exposition ce qu’il était avant, en perspective et dans les futurs contingens.

Il y a d’ailleurs autre chose à faire à Vienne que de déverser du blâme sur l’exposition, c’est d’en régler les suites. Toutes les fortunes sont à l’état d’ébranlement, il faut rétablir celles qui sont susceptibles d’être relevées; le crédit est mort, il s’agit de le ranimer. Le gouvernement s’en occupe, et une fois encore se concerte avec la banque; on fera des avances sur les lettres de gage, on formera un faisceau solide des sociétés de prêt, on construira des chemins de fer, on s’appliquera en un mot à ce que la confiance renaisse et que la circulation sorte de cette suite d’embarras. Pour cela, il sera offert un emprunt réalisable non en papier, mais en espèces. Que les capitalistes, que les banquiers, que les grands propriétaires fassent trêve à toute chicane pour ne songer qu’à cette œuvre de salut. Ce sera du moins une pensée de réparation après tant de ruines. Dieu veuille que la politique ne se jette pas à la traverse comme empêchement, qu’une trêve se fasse entre les nationalités qui se partagent l’influence, que la Hongrie surtout cesse de peser sur les autres portions de l’empire, et qu’après avoir si longtemps exhalé la plainte d’être dominée elle ne domine pas à son tour d’une manière abusive! C’est un essai d’apaisement à entreprendre, et qui ferait honneur à toutes les nationalités et à tous les partis. La dynastie des Habsbourg mériterait que cette bonne fortune lui échût. Voici dix ans et plus que les mauvaises veines se succèdent, depuis les lignes de Düppel jusqu’à la crise financière du 1er mai, et que l’empire marche d’expédient en expédient. Il serait temps que ces tribulations prissent fin, surtout dans ce qui provient des propres sujets de l’empereur, temps également de rendre un peu de repos à une famille qui d’elle-même est allée au-devant d’institutions libérales, et qui, surprise par les événemens, a montré tant de fermeté d’âme dans les momens critiques et tant de dignité dans les revers.


LOUIS REYBAUD.