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répartition des logemens militaires se faisait avec le concours des autorités municipales, et ne donnait pas lieu à des abus. Le service des approvisionnemens, attribué aux intendans, ainsi que celui de la levée des milices, permettait à ces fonctionnaires de s’ingérer davantage dans tout ce qui touchait à l’administration des armées. Comme c’était par leurs ordres que se faisaient les achats de denrées pour remplir les magasins du roi, ils se trouvaient ainsi chargés de pourvoir à l’alimentation des troupes et à la répartition des fourrages. La surveillance qui leur était attribuée en matière de levées des taillés et d’autres impôts mettait à leur disposition les troupes dont le commandement appartenait aux lieutenans-généraux.

Déjà depuis bien longtemps la perception des impôts, surtout des impôts extraordinaires, ne se faisait pas sans difficultés, il fallait souvent avoir recours à la force et appeler des soldats. Étienne Pasquier nous parle des émotions populaires qu’avaient excitées « les levées de ces deniers que le peuple, qui ne les pouvait goûter, appelait maletottes, parce qu’ils étaient mal tollus et ôtés. » Depuis que le savant magistrat avait écrit ces lignes, la perception n’était pas devenue beaucoup plus facile, et les documens du XVIIe siècle mentionnent plus d’une émeute. Ce fut là une des raisons qui firent donner aux intendans un pouvoir quasi dictatorial. Les instructions qui leur sont adressées les autorisent à juger sommairement, assistés toutefois de magistrats gradués, les récalcitrans ou les rebelles en matière d’impôts. Elles leur donnent le droit de requérir à toute heure la force armée, et de se faire accompagner, chaque fois qu’ils le jugent nécessaire, de la maréchaussée. Cette troupe de police, obligée de prêter main-forte à l’intendant, finit par être plutôt aux ordres de celui-ci qu’à ceux du gouverneur, dont l’intervention était généralement évitée quand il s’agissait de troubles provoqués par des mesures fiscales. C’est qu’on se défiait de ces gouverneurs, aux privilèges et aux biens desquels l’établissement de nouveaux impôts portait fréquemment préjudice. On voit par la correspondance des intendans sous le ministère de Richelieu quelle opposition faisaient certains gouverneurs à l’exécution des ordres du roi en matière d’impôts. Ils se plaignaient que l’accroissement des contributions nuisît à leurs propres revenus, diminuât le produit des redevances et des rentes qu’ils percevaient eux-mêmes comme seigneurs, des droits de péage et autres qui leur appartenaient ; ils réclamaient des indemnités, qu’on leur accorda d’abord, bien qu’à contre-cœur, lorsqu’on redoutait encore leur puissance. L’intendant qui avait toute la confiance du monarque et de son ministre n’était pas seulement le rival du gouverneur ou du lieutenant-général, il était encore en secret son surveillant, chargé d’épier toutes les démarches